mardi 9 mars 2021

Le doigt de Dalie Farah

 

Date de parution : février 2021 chez Grasset
Nombre de pages : 224

16 janvier 2018, 7h28 dans une petite ville d'Auvergne. Une professeur de philo se rend au lycée et traverse la rue en dehors du passage piétons, un conducteur klaxonne, elle se retourne et lui fait un doigt d'honneur. L'homme se gare et la défie en hurlant "Recommence!", elle lui refait un doigt d'honneur. Il la gifle violemment.

Ce n'est pas la première fois que cette prof rencontre la violence. Onze ans plus tôt, elle avait été rouée de coups par un élève gitan, elle qui voulait être une prof parfaite avec "son auréole et sa cape", elle qui croyait en la République et en l'éducation nationale envers qui elle se sent redevable... Ces quelques minutes devant le lycée réveillent en elle les souvenirs d'autres coups reçus. Elle va s'interroger : qui voulait-elle défier avec ce doigt ?  Elle va remonter jusqu'à son enfance, jusqu'à la brutalité subie de la part de ses parents puis dans sa vie d'adulte en tant que femme arabe agrégée.  "Tu as été éduquée ainsi, t'en as pris des coups, c'est comme ça qu'on t'a aimée... C'est comme ça que tu as été fabriquée. "

Voilà un livre qui bouscule par son style, une écriture au scalpel qui claque, un langage souvent cru, un style très nerveux qui n'est pas dans ceux que je préfère, qui m'a parfois perdue, mais qui colle bien au sujet. "Elle est un chef-d’œuvre de la République, jusqu'à ce que le chef-d’œuvre républicain ait un énorme bleu au cul". En alternant les discussions en salle des profs et le récit des faits, la prof tente d'analyser les origines de la sauvagerie qu'elle sent en elle et la mécanique de la violence individuelle et collective. Elle souligne le manque de soutien de l'éducation nationale qui préfère étouffer les affaires où la violence des élèves atteint les profs. Un roman empreint de rage mais dans lequel l'autodérision n'est jamais absente. Un avis mitigé à cause du style.

 

Citations

" Elle déteste qu'on lui fasse peur, surtout qu'un homme lui fasse peur."

" On dit que ceux qui réussissent, c'est grâce à nous, et ceux qui échouent, c'est à cause d'eux."

" La merde, c'est censé être sa vocation, normal, elle en vient, elle a ça dans le sang."

" Qu'on ne croise pas son regard, que personne ne connaisse sa peur. La peur qu'on la devine; elle, sa docilité de fille; elle, sa honte de fille; elle, sa faiblesse de fille; elle, sa vulnérabilité de fille."

 

L'auteure


Née en Auvergne en 1973, Dalie Farah est agrégée de lettres et enseigne la littérature et la philosophie en classes préparatoires à Thiers. Impasse Verlaine (2019, poche 2020), son premier roman, a été très remarqué et distingué par de nombreux prix littéraires. (Source : éditeur)

 



2 commentaires:

  1. Je m'attendais à lire un récit de prof ! je le lisais par obligation pour un jury de lecteurs; et, justement, c'est se style très direct qui caractérise cette écriture qui m'a plu!
    L'autrice décortique un malaise profond (peut être bien le sien) d'une façon très poussée que je trouve quant à moi très interessante.

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    1. Je ne suis pas contre les styles qui bousculent, bien au contraire, mais cette fois, avec ce livre j'ai eu du mal à adhérer. Mais ce style colle parfaitement au sujet, j'en conviens...
      Je l'ai peut-être lu à une période où j'avais plus besoin de douceur...

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