jeudi 27 août 2015

La maladroite d'Alexandre Seurat





Date de parution : août 2015 chez les Editions du Rouergue
Nombre de pages : 112



Magnifique roman sur l'enfance maltraitée, premier roman d'un jeune auteur inspiré d'un fait divers récent.

Diana, 8 ans, disparaît. En fait, c'est  une enfant martyre dans sa famille au milieu de ses 3 frères et sœur, maltraitée par son père et sa mère.

A la manière de témoignages de sa tante, sa grand mère, son frère, de voisins, gendarmes, assistantes sociales, médecin, enseignants, directrices d'école... la courte vie de Diana nous est racontée.
J'ai beaucoup aimé ce style de narration, aucun prénom n'est cité en dehors de celui de Diana et d'Arthur, son frère aîné. Tous sont nommés selon leur lien avec Diana, "la grand mère", "la tante"...

On découvre ainsi une mère instable et immature qui accouche sous X et abandonne sa fille à la naissance, puis retourne la chercher quelques mois plus tard lorsqu'elle se remet en couple avec le père de l'enfant. 
Diana a rapidement un comportement bizarre et présente un certain retard. Des traces de coups sur son corps alertent sa famille puis le corps enseignant.
 
De multiples personnes font part de leur inquiétude et ont le courage de faire un signalement.
La grand mère y parvient bien qu'elle ait le sentiment de trahir sa fille et peur de perdre à jamais sa petite fille, ce qui évidemment ne manque pas de se produire.

Les différents enseignants et directrices font aussi un travail remarquable, tentent avec une patience infinie de gagner la confiance de Diana pour qu’elle puisse se confier à eux, convoquent les parents, alertent par courrier l'école où va aller Diana suite au déménagement des parents. Seul un médecin scolaire ne prend pas la mesure du drame que vit Diana.
Un signalement, des informations préoccupantes sont transmis au Conseil Général et au Procureur.
Mais que faire face à l'aplomb des parents, leur déni enveloppé de courtoisie mielleuse? Ils remercient les enseignants de leur sollicitude envers leur fille, expliquent tout par son handicap lié à la maladie immunitaire dont serait atteint Diana et pas sa maladresse. Des parents qui déménagent quand ils sentent la pression devenir trop forte.
Diana, quant à elle, fournit des explications pour chaque marque sur son corps avec des réponses cohérentes à celles de ses parents, il n'y a aucun moyen de la déstabiliser.

Sont très bien décrits la mauvaise conscience, le sentiment d'impuissance et de culpabilité de tous. Diana va hanter l'esprit de ses enseignants, des gendarmes, les poursuivre dans leurs rêves.
Se pose bien entendu la question des services sociaux. J'ai apprécié que ce livre ne soit pas un réquisitoire contre les services sociaux, on y voit toute la difficulté du travail social, avec le comportement "coopératif" des parents, leurs déménagements, la difficulté de passer des soupçons aux faits, de trancher entre placement d'urgence ou suivi avec soutien à la parentalité.
On se dit qu'ils ont tous fait ce qu'ils ont pu, on se demande ce qu'il aurait fallu faire de plus ou autrement ? On s’interroge sur les responsabilités de chacun...

En peu de mots tout est posé de façon précise et juste avec une grande finesse dans les portraits  L'enchainement parait vite inéluctable. Le regard de l'auteur est juste, sans jugement, exempt de sensationnalisme ou pathos.

Bouleversant , magistral. Livre dont on ne sort pas indemne...


Citations
"Je l’avais prévenue, quand elle avait quitté la maison, je savais ce que c’est, on se marie trop vite, et on comprend après, et puis il y a l’orgueil, l’idée qu’on va le changer, et l’attachement quand même, et quand viennent les enfants, c’est pire." 

"En quinze jours de classe, j'avais compris, les bleus, les bosses, quand j'y repense j'ai l'impression que tout s'est déroulé à travers un cauchemar. Alors, je ne vois plus ma classe, mes élèves se figent en noir et blanc - et parmi eux, il y a Diana : elle est la seule à ne pas être en noir et blanc et à ne pas être immobile, je la sais en danger, elle me regarde, comme si elle guettait de moi ce que je peux faire, ce que je vais faire. Mais dans le cauchemar, je sais que tout est déjà trop tard pour elle, elle me regarde, et je ne peux rien faire, et je voudrais qu'elle me pardonne"

2ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire