vendredi 8 avril 2016

Enfants de nazis de Tania Crasnianski


Date de parution : mars 2016 chez Grasset
Nombre de pages : 288

Un terrible héritage

Il s'agit du premier ouvrage de l'essayiste Tania Crasnianski, née en France d'une mère allemande et d'un père franco-russe. Dans ce récit elle se penche sur le devenir des enfants de huit grands criminels nazis, comment ont-ils pu vivre avec ce lourd héritage, marqués du sceau de l'infamie? 

Ce livre dresse le portrait de descendants de huit criminels de guerre : Himmler, Göring, Rudolf Hess, Hans Frank gouverneur général en Pologne, surnommé "le bourreau de la Pologne", Bormann le secrétaire particulier du Führer, Höss le commandant d'Auschwitz, Speer l'architecte d'Hitler surnommé "l'architecte du diable" et Mengele, médecin à Auschwitz. Hitler était le parrain de beaucoup de ces enfants.

Il est impressionnant de voir que ces hommes menaient la plupart du temps une vie de famille normale et pouvaient pour certains se comporter en père modèle. Höss qui vivait avec sa famille à proximité immédiate d'Auschwitz venait lire de la poésie à ses enfants au milieu de sa journée de travail macabre.

Ce sont des dignitaires que les psychiatres trouveront complètement normaux, dénués de fanatisme ou de sadisme à l'exception d'Hess atteint de folie. Tania Crasnianski rappelle que les psychiatres n'ont jamais réussi à déterminer une personnalité propre aux nazis. Ils ont tous en commun l'absence d'empathie et l'incapacité à avoir remords ou regrets.
La plupart seront jugés à Nuremberg, certains comme Himmler et Göring se suicideront avant leur exécution grâce à une providentielle capsule de cyanure, d'autres comme Frank seront exécutés, quant à Hess il sera emprisonné à vie en Angleterre.
A leur tour, les femmes de ces dignitaires nazis seront arrêtées après Nuremberg au cours du processus de dénazification.

Certains enfants, très jeunes à l'époque, ont vécu à l'écart des horreurs du Reich en Bavière, autour du chalet de montagne du Führer, sur le massif de l'Obersalzberg, d'autres ont grandi à proximité des camps. Ils ont découvert la vérité sur le passé criminel de leur père après la défaite allemande. Nés entre 1927 et 1944, les plus âgés ont moins de 18 ans lors de la débâcle. 

Plus ils auront reçu d'amour de leurs parents, plus il leur sera difficile de se séparer de leurs parents. Ce sera le cas de Gudrun, la fille d'Himmler et d'Edda la fille de Göring qui vont idéaliser leurs pères et devenir révisionnistes "ils consacrent leur vie à la défense de leurs pères érigés au rang de martyrs". Leur amour filial et des défenses mentales les empêcheront de prendre du recul par rapport à la figure paternelle, elles seront dans la négation des informations qu'elles auront apprises sur les activités de leur père, pour elles le seul responsable est Hitler."Toutes deux restent dans l'adoration de leurs pères, nient les crimes de ces derniers et vivent ou ont vécu l'après-guerre à Munich, dans des maisons-musées à la gloire paternelle". Gudrun Himmler ira même jusqu'à s'impliquer dans des organismes d'aide aux anciens nazis et soutenir l'extrême droite allemande.
De même le fils d'Hess vivra dans l'ombre de son père toute sa vie et consacrera son énergie à obtenir sa libération et à améliorer ses conditions de détention.

Par contre Niklas, le fils d'Hans Frank, gouverneur général de Pologne en charge des ghettos juifs,  qui a eu des parents froids et distants, va vouer une véritable haine pour son père, gardant sur lui toute sa vie une photo du cadavre de son père, satisfait qu'il soit mort. Assoiffé de vérité, hanté par la souffrance des juifs qu'il a côtoyés dans son enfance, il ne supporte pas que son père ne reconnaisse pas sa culpabilité et n'ait aucun remords.
Rolf Mengele rendra visite à son père, caché en Amérique Latine, à l'âge de 33 ans pour tenter de comprendre. Son père demeurera à jamais un étranger pour lui et Rolf Mengele éprouvera plus de mépris que de haine pour son père mais il refusera de donner la moindre indication susceptible de provoquer son arrestation.
Certains cacheront leur véritable identité ou en changeront ou iront jusqu’à prendre la décision de ne jamais avoir d'enfants pour ne pas transmettre ce qu'ils considèrent comme une tare familiale. D'autres œuvreront pour la restitution des biens spoliés aux juifs.  

Cet ouvrage dans lequel l'auteur analyse le poids passé familial est très documenté et facile à lire. L'auteur ne porte jamais aucun jugement sur ces enfants qui sont aussi des victimes, elle nous montre la diversité des réactions de ces enfants qui aiment et ne condamnent pas, condamnent et haïssent ou ne haïssent pas mais condamnent.


Citations
"Les enfants des bourreaux sont également des victimes du nazisme, en ce qu'ils portent en eux une culpabilité qui n'est pas la leur"

"Comme d'autres descendants de nazis, Norman a pris la décision de ne pas avoir d'enfants pour ne pas transmettre le gène des Frank"


L'auteur



Tania Crasnianski partage sa vie entre l’Allemagne, Londres et New-York.
Elle a été avocat pénaliste, inscrite au barreau de Paris.
"'Enfants de Nazis'" est son premier livre.







Merci à NetGalley et aux éditions Grasset pour cette lecture






25eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo

mercredi 6 avril 2016

68 premières fois - saison 2


Une aventure à laquelle je me suis inscrite dès que j'en ai eu l'information.

L’année dernière, l'opération 68 premiers romans français portant sur les premiers romans parus en septembre 2015 avait été un grand succès en regroupant quarante lecteurs qui ont échangé et mis des billets sur leurs blogs avec en conclusion la proclamation des romans chouchous et leurs auteurs.


Cette année Charlotte renouvelle l’aventure mais cette fois pour TOUS les premiers romans 2016 y compris ceux de la rentrée d’hiver.


Depuis décembre, en sous-marin, les premiers romans ont été lus par Charlotte, Nicole du blog Mots pour mots et Eglantine (le Carré Jaune lui prête son espace). 


Elles ont décidé de nous proposer une sélection de romans, une vingtaine de romans pour le début d’année 2016 (sur une soixantaine de romans parus) et une autre vingtaine (maximum) pour la rentrée de septembre. 


A partir de fin avril, les premiers romans vont commencer à voyager entre les différents participants.



Pour participer :
1. Vous vous inscrivez en envoyant un mail à l’adresse les68premieresfois(at)gmail(point)com.

2. Vous précisez l’option choisie :
* Option dingue : je m’engage à lire l’intégralité des romans proposés, à savoir les deux sélections d’une vingtaine de titres, pour pouvoir participer au choix du livre chouchou. (Dans ce cas, vous vous engagez à lire en priorité les livres reçus dans le cadre des 68 et à les renvoyer rapidement au lecteur suivant)
* Option douce : je lis à mon rythme les livres reçus. (Dans ce cas, vous n’aurez pas le choix du livre reçu, ce sera le hasard qui tranchera dans la sélection établie !)

3. Vous vous engagez à parler, parler, parler des livres aimés (pour celles ou ceux qui n’ont pas de blog, Charlotte offre un espace sur le sien. Cela peut être également sur les sites communautaires).

4.Vous avez jusqu’au 9 avril pour vous inscrire et vous pouvez évidemment relayer l’information.


lundi 4 avril 2016

Le journal d'un vampire en pyjama de Mathias Malzieu

 
Date de parution : janvier 2016 chez Albin Michel
Nombre de pages : 240

Prix essai France Télévision 2016 

"Me faire sauver la vie est l'aventure la plus extraordinaire que j'aie jamais vécue"

Mathias Malzieu, chanteur du groupe Dyonisos, a tenu ce journal de bord tout au long de la maladie qui l'a frappé fin 2013 : une aplasie médullaire brutale, c'est à dire l'arrêt du fonctionnement de sa moelle osseuse, maladie grave et rare avec risque d'infection et d'hémorragie qui impose des transfusions pour rester en vie. 

Chez cet homme hyperactif c'est une anormale fatigue lors du tournage du clip de Dionysos "Jack et la mécanique du cœur" qui l'a poussé à consulter. 

Il va d'abord tout faire pour ne pas être hospitalisé avant la sortie imminente de son premier long métrage "La mécanique du cœur", il tient à être présent pour la promotion et la sortie de ce film sur lequel il travaille depuis six ans. 
Puis ce seront d'interminables semaines pendant lesquelles il doit bénéficier de transfusions sanguines vitales pour sa survie, puis une hospitalisation de cinq semaines en chambre stérile coupé du monde et l'attente interminable d'une greffe lorsqu'il s'avèrera qu'il n'y a pas d'autre solution pour le sauver. 

Il tient toujours à se rendre à l'hôpital en skateboard mais se sent toujours accompagné de Dame Oclès qui agite son épée au dessus de sa tête, une femme sexy et effrayante qui symbolise la fatalité pour lui.

C'est finalement une greffe de sang de cordon ombilical qui le sauvera, ce qui lui permet de dire que comme Dyonisos, le nom de son groupe, il est né deux fois "d'abord du ventre à la mère puis des cellules d'une bio-mère manipulée par un hémato-poète"

Transparaissent dans ce journal de bord tout son amour pour sa compagne, sa famille et ses amis mais aussi toute son admiration pour le personnel médical, une hématologue à la voix douce, les "nimphirmières"... Il ne pose pas en héros, les infirmières et les donneurs sont selon lui les véritables héros de cette histoire. Cette aventure lui a permis de rencontrer des gens extraordinaires mais aussi de faire le tri parmi certains membres de son entourage.

La création artistique l'accompagne tout au long de ce terrible parcours "Ma meilleure évasion reste la création". Ce sera d'abord l’écriture de ce livre puis la composition de chansons dans sa chambre stérile où il a pu amener ses instruments de musique " je suis un ermite heureux qui voyage à l'intérieur de sa tête" et la réalisation d'un album portant le même nom que le livre sans oublier la création des studios Eggman Records lorsqu'il doit resté cantonné dans son appartement, blotti dans son fauteuil en forme d’œuf, pour éviter tout risque. 



Un texte sur un sujet grave mais qui ne doit pas faire peur car il est gai, plein de vie et lumineux.
Un témoignage personnel, profond et sensible d'un homme extrêmement sympathique qui se livre avec poésie et humour sans jamais se lamenter sur son sort. Une belle leçon de vie et un magnifique plaidoyer pour le don de moelle osseuse et le don d'organes en général.


L'auteur
Mathias Malzieu est à la fois le chanteur du groupe de rock français Dionysos fondé en 1993 et un écrivain français.
En plus des nombreux disques et concerts de son groupe, il a écrit un recueil de nouvelles et plusieurs romans.

En février 2014 sort "Jack et la Mécanique du cœur," un film d'animation français en images de synthèse réalisé par Stéphane Berla et Mathias Malzieu. Le film est inspiré par le livre "La Mécanique du cœur" de Mathias Malzieu et par l'album éponyme de Dionysos.

24eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo

 Catégorie OBJET

vendredi 1 avril 2016

Bellevue de Claire Berest



Date de parution : janvier 2016 chez Stock
Nombre de pages : 198

Les 48 heures où tout bascule

Le roman s'ouvre sur Alma, une jeune femme 30 ans, qui se réveille aux urgences psychiatriques de Bellevue sans savoir comment elle s'est retrouvée là. Elle va essayer de se souvenir des 48h qui ont précédé son internement.

En couple depuis 5 ans avec Paul, Alma est une jeune femme écrivain qui donne des cours et occupe un emploi de serveuse pour survivre.

Alma se souvient qu'elle s'est réveillée le 4 juin, matin de ses 30 ans en trouvant tout ce qui l'entoure complètement étranger, comme spectatrice de sa propre vie. La veille, une attaque de panique l'avait déjà submergée. Ce jour anniversaire de ses 30 ans va devenir le jour d'un véritable pétage de plombs.
Elle détruit l'ordinateur de son compagnon "je détruis pour détruire", se rend à un rendez-vous professionnel avec le célèbre écrivain Thomas B, jeune éditeur - auteur en vue puis entame une errance pendant laquelle elle succombe à toutes ses pulsions, dépense tout son argent en alcool et hôtel de luxe, passe de bar en bar... Elle se rend compte de l'absurdité de sa conduite mais continue à agir par impulsion."Heureuse d'être dominée par une autre, qui se retrouve aux commandes. Je ne suis plus Alma, ou alors je suis complètement Alma, enfin."

La peur du cap de la trentaine, âge où l’on est "jeune et vieille en même temps", l'insatisfaction de sa relation de couple, un certain milieu littéraire qu'elle veut fuir, une rencontre avec Thomas B. et Alma va se laisser envahir par de puissantes pulsions destructrices, tout va basculer très vite…

Ce roman est captivant, on ne peut pas le lâcher car on a très envie de savoir ce qui arrive à Alma, de tenter de la comprendre...  
Le récit est fait d'alternance de chapitres à l'écriture et aux rythmes complètement différents. Une écriture vive, oppressante, crue parfois dérangeante dans les chapitres relatant sa dérive pendant deux jours et une écriture lente et calme dans ceux où elle décrit l'univers cotonneux qui l'entoure aux urgences psychiatriques.
Un roman saisissant et dense qui se lit d'une traite.

L'avis de Tiben 

Citations
"Je ne peux pas perdre le fil de mon ivresse, s'il m'échappe je serai obligée de me réveiller à mon angoisse, parce qu'en la laissant me dominer, je peux encore jouir en lele et pas juste souffrir sans motif."

"Je n'aime plus rien, ni ce corps, ni ce visage, ni les postures qui en découlent naturellement, ni l'espace que ce corps occupe, ni la salle de bains tout autour de cette occupation maladroite de l'espace"

"Ici les gens n'ont plus d'âge. Nous marchons comme des zombies, comme si nos pieds étaient chaussés d'ouate. Je souris béatement à tous ces visages que je croise. De temps en temps une dispute éclate. L'un d'entre nous qui pète les plombs. Alors on augmente la dose de ses médicaments et la ronde reprend. C'est la danse des canards."
 
L'auteur
Claire Berest est une écrivaine française, née en 1982.
Elle avait 25 ans lorsqu'elle a démissionné de son poste de professeur de français à Bobigny. De ce constat d'échec est né "Enfants perdus" en 2014, enquête à la brigade des mineurs sur les adolescents indéchiffrables.
Claire Berest est la sœur d'Anne Berest, également écrivain.



Merci à NetGalley et aux éditions Stock pour cette lecture





23eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo

Catégorie LIEU

jeudi 31 mars 2016

Bilan de mes lectures de mars 2016

Un mois de mars riche en découvertes intéressantes









J'ai adoré 



  • Un roman lumineux sur un sujet grave :  Nuit de septembre d'Angélique Villeneuve avec un très gentil commentaire de l'auteur sur mon article.
  • Une fiction étourdissante d' Olivier Rolin : Véracruz
  • Un polar comme je les aime : Il reste la poussière de Sandrine Collette 


  J'ai beaucoup aimé



  • Une très belle écriture : Pour la peau d'Emmanuelle Richard
  • Une plongée dans la montée de l'intégrisme en Tunisie avec Ahlam de Marc Trévidic   
  • Un témoignage bouleversant : Maligne de Noémie Caillault



 J'ai bien aimé





Je n'ai pas aimé mais pourquoi pas 






Au programme d'avril :  


Des livres des rentrées littéraires de septembre et de janvier



et une BD

Bon mois d'avril et bonnes lectures...

mardi 29 mars 2016

Tout ce qu'on ne s'est jamais dit de Céleste Ng




Date de parution : mars 2016 chez Sonatine
Nombre de pages : 277

Vivre sous le poids des rêves de ses parents 

Ce premier roman de Céleste Ng a eu un très gros succès au Etats-Unis en 2014.

"Lydia est morte. Mais ils ne le savent pas encore", nous sommes en 1977 et Lydia avait 16 ans.
Retrouvée noyée dans le lac proche du domicile de ses parents dans une petite ville de l'Ohio, il est impossible de déterminer s'il s'agit d'un suicide, d'un meurtre ou d'un accident. Elle s'est noyée de nuit, que faisait-elle dehors en pleine nuit, elle qui ne savait pas nager?

Ce n'est pas l'enquête policière qui va être au cœur de ce roman mais la famille de Lydia. Classé dans les polars, ce roman est plutôt pour moi un roman psychologique.
Le récit va être régulièrement entrecoupé de flash back pour nous raconter Lydia et sa famille. Son père James, d'origine chinoise, enseigne l'histoire des US à l'université, une manière pour lui de s'intégrer dans la société américaine.

Marilyn, la mère, cherche par tous les moyens à se distinguer, à avoir une autre vie que sa propre mère qui a mené une "vie triste et vide" de parfaite maîtresse de maison dont l'ultime ambition était de "tenir sa maison ", "Mari, enfants, maison, avec pour seule mission de maintenir le tout en ordre", sa mère enseignait les cours d'éducation ménagère.

Le mariage de Marylin avec un homme différent par ses origines va marquer sa rupture avec sa mère. A sa mort Marilyn se promettra de ne jamais finir comme elle et tentera de renouer avec son ambition de jeunesse : devenir médecin, objectif qu’elle avait abandonnée suite à son mariage. 

James et Marylin ont 3 enfants, Nath, Lydia et Hannah. C'est une famille sans amis qui vit en vase clos. Le frère ainé Nath est prêt à quitter la maison pour intégrer Harvard et Hannah, la jeune sœur de Lydia, âgée de 11 ans lors de la mort de sa sœur est particulièrement émouvante, complètement délaissée par sa famille, douée d'un sens de l'observation peu ordinaire et en quête constante d'affection et d'attention.  

Ce livre est l'histoire de parents qui transfèrent leurs rêves non accomplis sur leurs enfants, rêve d'intégration, rêve de se fondre dans la masse, de ne plus être vu comme différents, d'avoir des amis pour le père et rêve d'émancipation par la réussite scolaire puis professionnelle pour la mère.

Lydia, la préférée de James et de Marylin, va être le centre de l'univers de ses parents, le centre de tous leurs espoirs et de leurs exigences "Tout tournait en orbite autour d'elle", "Elle absorbe les rêves de ses parents". On va comprendre peu à peu pourquoi Lydia est prête à tout accepter en particulier de sa mère. Lydia va donc vivre tiraillée entre les exigences de ses deux parents : avoir des amis,  avoir de bonnes notes... 

C'est une famille qui vit au milieu de non-dits, de malentendus, une famille où on n'arrive pas à communiquer et où, par exemple, chacun va complètement s'isoler, s'enfermer dans sa douleur après le décès de Lydia. 

Ce premier roman tout en finesse est une très belle réussite, c'est un roman psychologique où la recherche de la vérité sur la mort de Lydia est remplie de suspense. L'auteur nous happe immédiatement avec cette histoire de famille, excelle dans l'expression des sentiments de chacun des personnages tous très bien campés et restitue à merveille l'atmosphère de racisme quotidien de l'Amérique de cette époque. 
Magnifique récit sur la différence et sur le poids des pressions familiales.

Les avis très enthousiastes de Nicole et de Clara


Citations
" Toute leur vie, Nath avait compris, mieux que personne, le lexique de leur famille, les choses qu'ils ne pouvaient jamais vraiment expliquer aux gens de l'extérieur : qu'un livre ou une robe n'étaient pas simplement quelque chose à lire ou à porter; que l'attention était accompagnée d'attentes qui - comme la neige - s'abattaient et s'accumulaient et vous broyaient sous leur poids."

" Enfin un cadeau qui en était un, pas un livre, quelque chose qu'elle voulait, pas quelque chose qu'ils voulaient pour elle. "

L'auteur 



Celeste Ng vit dans le Massachusetts. "Tout ce qu’on ne s’est jamais dit" est son premier roman.








22eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo


dans la catégorie PHRASE

dimanche 27 mars 2016

Chérie, je vais à Charlie de Maryse Wolinski



Date de parution : janvier 2016 au Seuil
Nombre de pages :144

De Maryse Wolinski j'avais lu il y a quelques années" Chambre à part" que j'avais bien aimé et j'ai eu envie de la retrouver avec ce récit lié aux attentats de Charlie Hebdo, tout en craignant un peu un récit trop intime qui me mette en position de voyeurisme. Fort heureusement, cela n'a pas été le cas, Maryse Wolinski fait un peu entrer le lecteur dans l’intimité de son couple mais ce n'est vraiment pas l'essentiel de son récit.

Maryse Wolinski commence son récit par ces mots “Mercredi 7 janvier.”, cette date qui a fait basculer sa vie en ôtant la vie à son mari, le dessinateur Georges Wolinski. Le livre porte d'ailleurs comme titre les derniers mots de George à son épouse.

Dans les premiers chapitres, Maryse Wolinski reconstitue à la minute près le déroulé de l'attaque contre les locaux de Charlie Hebdo. Le massacre est d'abord vu par le biais de témoins comme le personnel du théâtre de la Comédie-Bastille, situé à proximité des locaux du journal satirique. Puis, ce seront les témoignages des "survivants" qui ont vécu l'attaque à l'intérieur des locaux, Sigolène Vinson, la dessinatrice Coco... "Que se passe-t-il dans la tête de Coco, kalachnikov sur la tempe, sommée de conduire ce qu’elle comprend être des terroristes dans les locaux du journal, alors qu’elle est censée aller tout à l’heure chercher son enfant à la crèche ? Sans doute une terrible confusion qu’elle gardera secrète parce que, par pudeur, on ne lui a pas posé la question.

Elle nous décrit ensuite les sentiments par lesquels elle est passée, tristesse, déni puis colère, révolte et volonté de comprendre ce qui a pu amener à cette tragédie. Elle s’interroge, par exemple, sur le faible niveau de sécurité du nouvel immeuble de la rédaction et sur la faiblesse des effectifs pour les protéger, malgré les nombreuses menaces reçues.  Elle souligne les failles dans la sécurité et l'inefficacité des policiers face aux attaques terroristes : “Aujourd’hui, malgré les menaces, les policiers français de base, qui ne relèvent ni du GIGN, ni du Raid, ni de la BRI, ne sont pas en état de répondre à la menace terroriste.”

Elle évoque également  les tensions au sein de l'équipe de Charlie Hebdo, entre Wolinski, nostalgique du Charlie de l'époque Cavanna et les nouveaux dont Charb qui ne partageaient pas toujours les mêmes objectifs. Charb partisan de traiter l'actualité politique et Wolsinski désireux d'échapper, à Charlie, à l'actualité, qu'il traitait par ailleurs dans d'autres journaux. "L'ambiance fraternelle et rigolarde de l'ancien Charlie lui manquait".

Maryse Wolinski parle également de l'après 7 janvier, de "l'élan fraternel du 11 janvier", de la difficulté pour les survivants d'écrire et de dessiner à nouveau, de l’arrivée en masse de l’argent, grâce au numéro des survivants ou aux nombreux dons, de l'arrivée surprenante de nouvelles têtes comme celle d’une directrice de communication “star des stars de la com", embauchée “afin de gérer le trop grand nombre de demandes d’interviews”.

Un récit d'une femme déchirée qui mêle travail journalistique et travail littéraire et qui synthétise bien tout ce qu'on a pu lire ou entendre sur cette tragédie. 


Citations
"N'oublions jamais que depuis Rabelais, en passant par Voltaire, la France est le pays de l'impertinence " 

"Mon chagrin demeurerait infini, il ferait désormais partie de moi, mais ne m'empêcherait pas de vivre"


L'auteur



Maryse Wolinski, née en 1946, est journaliste, écrivain, parolière et scénariste. Elle est l’auteur de nombreux romans.








 Lu du même auteur













21eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo


dans la catégorie LETTRE ISOLEE