Nombre de pages : 336
Chochana est une juive nigériane qui fuit une terre qui ne peut plus la nourrir car une terrible sécheresse sévit depuis de longues années dans son pays. Elle est partie pour l'Europe dans l'espoir d'un avenir meilleur avec son jeune frère et trois amis de sa communauté. Dotée d'une forte personnalité, elle est la cheffe de ce petit groupe. Enfermée dans un entrepôt avec des centaines d'autres candidats au départ, elle va subir la cruauté des passeurs et vivre l'enfer dans ce centre de rétention durant de longs mois. Elle va se lier d'amitié avec Semhar, une jeune érythréenne contrainte de quitter une dictature militaire qui ne lui offrait aucun avenir. Semhar la Teigne et Chochana la cheffe étaient faites pour se rencontrer.
Le 16 juillet 2014 après de longs mois d'attente et de maltraitance Chochana et Semhar sont autorisées à embarquer sur un chalutier bondé à craquer. En fonction du prix payé pour leur traversée 750 personnes, hommes, femmes et enfants, sont réparties entre la cale et le pont. Le chalutier part en direction de l’île de Lampedusa, la porte d'entrée de l'Europe quand on vient d'Afrique. Entassés tel du bétail, Semhar et Chochana font partie des "calais", les passagers confinés dans la cale. Sur le pont se trouve Dima qui a fui la guerre en Syrie avec son mari et leurs deux filles. Dima fait partie de la bourgeoisie syrienne d'Alep. La cale pour les noirs et le pont pour les arabes...
C'est le destin de ces trois femmes, Chochana, Semhar et Dima, que l'auteur nous raconte. Leur histoire personnelle, leur parcours semés d'embûches à la merci des passeurs jusqu'à leur embarquement sur ce chalutier et leur traversée de la méditerranée vers Lampédusa.
Louis-Philippe Dalembert a réussi à traiter ce sujet très grave avec beaucoup d'humanité et de sobriété, le récit est très réaliste sans jamais tomber dans la complaisance ou le voyeurisme. L'auteur traduit parfaitement l'atmosphère sur ce bateau, les bruits, les odeurs, le confinement dans la cale dans l'obscurité la plus totale et dans une chaleur étouffante, la peur, les cris lorsque la mer se déchaîne, les tentatives de mutinerie, la tension entre les passagers confinés dans la cale tels des esclaves et ceux qui sont sur le pont, les inévitables échauffourées. Il met en scène trois femmes de milieux opposés et de religion différente, une chrétienne, une musulmane et une juive qui trouvent toutes réconfort dans leur foi. Quelque soit leur religion, malgré tout ce qui les sépare, elles sont dans le même bateau au sens propre et au sens figuré au milieu de centaines de désespérés provenant de nombreux pays, des passagers aux langues multiples. Un radeau de la Méduse regroupant des migrants qui veulent croire en un avenir possible de l'autre côté de la Méditerranée, qui se retrouvent à la merci des passeurs, soumis au racisme et au mépris de classe qui sévissent parmi les passagers.
Seuls les noms des personnages principaux sont donnés, ce qui allège le texte, on ne se perd pas avec une multitude de noms difficiles à retenir. C'est un récit très fluide que l'auteur a eu la judicieuse idée de parsemer d'expressions de Chochana, femme forte au franc parler et au langage parfois très fleuri, il parvient ainsi à introduire un zeste d'humour dans cette histoire très sombre.
Seuls les noms des personnages principaux sont donnés, ce qui allège le texte, on ne se perd pas avec une multitude de noms difficiles à retenir. C'est un récit très fluide que l'auteur a eu la judicieuse idée de parsemer d'expressions de Chochana, femme forte au franc parler et au langage parfois très fleuri, il parvient ainsi à introduire un zeste d'humour dans cette histoire très sombre.
L’auteur nous offre un récit d'une extrême pudeur, j'ai trouvé admirable qu'il évoque les viols que subissent les femmes par cette simple phrase "son humanité et sa féminité étaient bafouées nuit et jour", nul besoin d'en dire plus pour comprendre l'enfer qu'elles vivent. Un roman nécessaire sur la plus grande catastrophe humanitaire du début du 21ème siècle. Un sujet magnifiquement traité. Notons que l'auteur a passé un mois à Lampedusa pour préparer ce texte.
Ce roman est sélectionné pour le prix Goncourt et pour le prix Landerneau .L'auteur
Né à Port-au-Prince, Louis-Philippe Dalembert publie depuis 1993, en France et en Haïti, des nouvelles, de la poésie, des essais et des romans. Le dernier en date, "Avant que les ombres s'effacent", paru en mars 2017, a remporté le prix Orange du Livre et le prix France Bleu/Page des libraires. (Sources : éditeur)
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