Nombre de pages : 208
" On sait ce que l'on a perdu quand on se souvient l'avoir connu."
Sarah Chiche commence son roman par le récit de la mort en 1977 d'un jeune homme de trente-quatre ans, Harry, son père, alors qu'elle n'avait que quinze mois. Juste avant de mourir, il griffonne ces quelques mots sur une ardoise : " Ma femme, ma fille ".
Harry avait quitté l'Algérie en 1962 avec sa famille, pour un exil dans un château en Normandie. Son père Joseph reconstitue alors la vie d'abondance qu'ils connaissaient en Algérie bâtissant en France un véritable empire médical constitué de plusieurs cliniques privées. Pour Joseph, issu d’une grande lignée de médecins, il n'est pas d'autre avenir possible que la médecine pour ses deux fils Armand et Harry. " Devenir médecin, c'est devenir un homme", les rêves personnels sont exclus dans cette famille extrêmement riche pour qui le nom et la gloire comptent plus que tout. Harry, second de la fratrie, jamais à la hauteur d'Armand, reste dans l'ombre de cet aîné pour lequel leur mère Louise nourrit une véritable passion. "L'aîné dévore tous les obstacles. Le cadet ne dévore que les livres."
Harry, un rêveur qui aimait les étoiles, abandonne ses études de médecine et rencontre Eve, un mannequin d'une grande beauté dont il tombe fou amoureux. C'est une jeune femme au passé difficile, "la plus déglinguée des enfants perdus". C'est le début d'un "amour fou, perdu, un amour malade, au-delà des mots". Mais Eve est une femme fantasque et trop libre pour l'esprit étriqué de cette famille bourgeoise.
Sarah Chiche raconte son enfance hantée par le deuil d'un père qu'elle n'a pas connu. En 2002, alors qu'elle a vingt-six ans, la mort de sa grand mère Louise, la plonge dans une profonde dépression. " Ce fut la réplique la plus dévastatrice du décès de mon père. Et aussi ma plus grande chance."
" De Saturne, on dit que c'est la planète de l'automne et de la mélancolie.
Mais Saturne est peut-être aussi l'autre nom du lieu de l'écriture
- le seul lieu où je puisse habiter."
Dans ce récit en deux parties écrit à la première personne, Sarah Chiche, à travers des scènes précises, raconte son père, la relation de son père avec son frère, la rencontre de ses parents, l'amour fou qui les a lié. Elle nous brosse le portrait romancé de son père, mais aussi de sa mère avec sa folie et sa violence " c'était ma mère : violemment explosive, puis coquille vide, et parfois la plus magnifique des mamans". Sarah Chiche restitue très bien l'ambiance qui régnait dans sa famille paternelle où haine et argent étaient omniprésents et relate de façon bouleversante la mort de son père. Après cette première partie, récit de ses jeunes années marquées par la mort de son père et par un cruel manque de sécurité affective, "en ce temps-là, je n'étais que défaites et laideur", elle relate la dépression qu'elle a traversée après la mort de sa grand-mère. Une dépression qui fut "une damnation avant d'être une chance". Ses mots pour
décrire l'état dans lequel l'a plongée cette nouvelle mort sont d'une grande force et d'une incroyable justesse, elle parle "d'autoaccusation mélancolique consécutive à un deuil... de désagrégation de son esprit..., de fuite dans le goudron du sommeil...".
Récit d'une descente aux enfers et d'une résurrection racontées avec le recul nécessaire puisque quinze ans ont passé depuis cette période, magnifique déclaration d'amour à un père qu'elle n'a pas connu, cette lecture est aussi forte mais moins exigeante que Les enténébrés.
Un véritable tourbillon d'émotions. Une écriture qui transporte, un texte aux qualités littéraires incontestables que j'ai lu le cœur serré. Une histoire familiale douloureuse, une dépression mélancolique qui ont permis la naissance d'une grande auteure. "Tout est perdu, tout va survivre, tout est perdu, tout est sauvé. Tout est perdu. Tout est splendide" conclut magnifiquement Sarah Chiche. Un gros coup de cœur !
Récit d'une descente aux enfers et d'une résurrection racontées avec le recul nécessaire puisque quinze ans ont passé depuis cette période, magnifique déclaration d'amour à un père qu'elle n'a pas connu, cette lecture est aussi forte mais moins exigeante que Les enténébrés.
Un véritable tourbillon d'émotions. Une écriture qui transporte, un texte aux qualités littéraires incontestables que j'ai lu le cœur serré. Une histoire familiale douloureuse, une dépression mélancolique qui ont permis la naissance d'une grande auteure. "Tout est perdu, tout va survivre, tout est perdu, tout est sauvé. Tout est perdu. Tout est splendide" conclut magnifiquement Sarah Chiche. Un gros coup de cœur !
Citations
" Certaines
personnes apprennent à vivre douloureusement avec la perte, d'autres se
laissent mourir avec leurs morts."
" Je suis morte. J'en suis revenue. J'ai pu vieillir."
L'auteure
Sarah Chiche est écrivain. Elle est notamment l’auteur du roman Les Enténébrés (Seuil, 2019, prix de la Closerie des Lilas). Elle est également psychologue clinicienne et psychanalyste.
J'ai adoré Les enténébrés lus pendant les vacances et je viens logiquement de m'offrir celui ci !
RépondreSupprimerSi tu as adoré son précédent, celui-là ne peut que te plaire. Bonne lecture !
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