Date de parution : 31 août 2017 aux éditions Les Escales
Nombre de pages : 441
"L'intensité d'une amitié, ça vous fait une joie pour mille ans, c'est
comme un amour, ça vous rentre par le nombril et vous inonde tout entier"
En septembre 2016, Évelyne Pisier, sœur de l'actrice Marie-France, présente son manuscrit à son éditrice Caroline Laurent. Elles travaillent ensemble sur le texte durant quelques mois avant qu’Évelyne ne décède en février 2017. Caroline Laurent termine alors le livre comme elle l'avait promis à Évelyne.
Dans son manuscrit Évelyne Pisier raconte son histoire et celle de sa mère, elle demande à son éditrice de l'aider à transformer son récit en fiction, pour elle le livre ne doit être ni un témoignage ni une biographie. Le prénom fictif de Mona est donné à la mère d’Évelyne, celui de Lucie à Évelyne et la famille Pisier se nomme Desforêt dans le récit.
Nona Desforêt est une femme dont le rêve de devenir médecin a été brisé par sa grossesse qui l'a contrainte à abandonner ses études. Volontiers charmeuse, elle mène une vie assez superficielle en Indochine où est affecté son mari André, un haut fonctionnaire colonial. C'est un colon pétainiste, raciste et antisémite, convaincu de l'inégalité des races et de l’infériorité des femmes. Cet homme odieux, colérique et parfois violent sera le héros de sa fille pendant son enfance jusqu'à ce qu'elle prenne conscience de ce qu'il est en réalité.
La lecture du deuxième sexe de Simone De Beauvoir est une révélation pour Mona, ce livre "allume des feux en elle", elle décide d'agir désormais selon ses désirs, de ne laisser personne lui dicter sa conduite et ses opinions. La naissance d'une conscience et un bel affranchissement par la lecture... Elle devient une femme libre et séductrice, "amoureuse de l'amour". "L'amour était son moteur et sa prison". De retour en France après son divorce, indépendante et libérée, elle mènera de multiples combats féministes dans lesquels elle entrainera sa fille, elle multipliera les engagements, du planning familial à la lutte pour les droits des homosexuels jusqu'au militantisme dans l'Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité.
Mona et sa fille sont très proches et complices. Mona façonne Évelyne lui interdisant par exemple de toucher au ménage et à la cuisine, domaines dans lesquels les femmes ont toujours été cantonnées. Evelyne s'est construite avec et contre sa mère qu'elle présente comme la personne qu'elle aime le plus au monde...
Le récit nous mène de Hanoï à Nouméa puis en France en passant par Cuba où Évelyne vivra une passion amoureuse de quatre ans avec Fidel Castro. Caroline Laurent glisse dans le roman quelques extraits de lettres d'amour de Fidel Castro adressées à Évelyne...
Caroline Laurent a eu la très jolie idée d'insérer dans le roman l'histoire de sa rencontre avec Evelyne, elle parle des échanges qu'elles ont eus, de ses doutes, de ses peurs et angoisses lorsqu'elle se retrouve seule pour finir le travail... On assiste ainsi à la construction du roman et on comprend le rapport auteur-éditeur. Mais l'histoire d’Évelyne renvoie Caroline à sa propre histoire et réveille des souvenirs personnels ce qui apporte encore une autre dimension au roman car le destin de la mère de Caroline Laurent va venir s'immiscer dans le récit. L'éditrice dit qu’Évelyne lui a tendu un miroir. "Son texte, depuis le début, est un miroir qu'elle me tend"
J'ai trouvé ce premier roman de Caroline Laurent absolument MAGNIFIQUE, les deux très belles voix d’Évelyne Pisier et de son éditrice s'entremêlent à merveille pour nous brosser les portraits de deux femmes engagées. La construction choisie par Caroline Laurent qui mêle l'histoire d’Évelyne et de sa mère et l'histoire de la construction du roman est une très belle réussite. Deux livres en un en quelque sorte...
Par-delà l'incroyable destin d’Évelyne et de sa mère, grande intellectuelle à la vie romanesque qui a épousé tous les combats du 20ème siècle, ce livre est aussi l'histoire d'une magnifique amitié entre deux femmes que 47 ans séparent et qui ne se sont côtoyées que quelques mois, une amitié entre une éditrice et son auteure. C'est l'histoire d'une belle promesse, d'une belle confiance d’Évelyne en Caroline qui dit avoir terminé le livre "sans elle mais avec elle".
En résumé, pour moi, c'est simple, ce roman est une pure merveille !
Merci à NetGalley et aux éditions Les Escales pour cette lecture en avant-première. .
Citations
"Que peut la littérature face à l'absolu du vide? Quel est ce plein dont elle prétend nous combler? Vivre une autre vie, donner du rêve, faire rire et pleurer, laisser une trace, peindre le monde, poser des questions, ressusciter les morts, voilà le rôle des livres, dit-on. Offrir la consolation de la beauté. C'est peu; c'est immense"
" Je crois que les mères mentent. Qu'il n'y a rien de plus triste que cette seconde où l'enfant s'en va... Les mères sont égoïstes, et les enfants encore plus. Chacun prend à l'autre quelque chose qu'il ne lui rendra pas. Et toujours revient, lancinante, cette question d'un amour trop grand pour que l'on puisse y vivre."
"Contournements, digressions, bavardages sont à l'image des liens qui unissent un auteur et son éditeur"
" Sans Dieu, la mort n'est rien d'autre que la mort. Seul le néant. Le long infini du noir."
Les auteures
Evelyne Pisier est née en 1941 en Indochine. Sa vie résume tous les grands combats de la seconde moitié du XXe siècle : le féminisme, la décolonisation, la révolution cubaine... Directrice du Livre et de la Lecture de 1989 à 1993 au ministère de la Culture, elle fut également écrivain et scénariste. Elle est décédée en février 2017. Caroline Laurent, son éditrice et amie co-signe son dernier roman.
Caroline Laurent est née en 1988. Éditrice et amie d’Evelyne Pisier, elle terminera pour elle son dernier roman.
2ème lecture de la sélection d’automne des 68 premières fois
12ème participation au Challenge Rentrée Littéraire 2017
Dans son manuscrit Évelyne Pisier raconte son histoire et celle de sa mère, elle demande à son éditrice de l'aider à transformer son récit en fiction, pour elle le livre ne doit être ni un témoignage ni une biographie. Le prénom fictif de Mona est donné à la mère d’Évelyne, celui de Lucie à Évelyne et la famille Pisier se nomme Desforêt dans le récit.
Nona Desforêt est une femme dont le rêve de devenir médecin a été brisé par sa grossesse qui l'a contrainte à abandonner ses études. Volontiers charmeuse, elle mène une vie assez superficielle en Indochine où est affecté son mari André, un haut fonctionnaire colonial. C'est un colon pétainiste, raciste et antisémite, convaincu de l'inégalité des races et de l’infériorité des femmes. Cet homme odieux, colérique et parfois violent sera le héros de sa fille pendant son enfance jusqu'à ce qu'elle prenne conscience de ce qu'il est en réalité.
La lecture du deuxième sexe de Simone De Beauvoir est une révélation pour Mona, ce livre "allume des feux en elle", elle décide d'agir désormais selon ses désirs, de ne laisser personne lui dicter sa conduite et ses opinions. La naissance d'une conscience et un bel affranchissement par la lecture... Elle devient une femme libre et séductrice, "amoureuse de l'amour". "L'amour était son moteur et sa prison". De retour en France après son divorce, indépendante et libérée, elle mènera de multiples combats féministes dans lesquels elle entrainera sa fille, elle multipliera les engagements, du planning familial à la lutte pour les droits des homosexuels jusqu'au militantisme dans l'Association pour le Droit à Mourir dans la Dignité.
Mona et sa fille sont très proches et complices. Mona façonne Évelyne lui interdisant par exemple de toucher au ménage et à la cuisine, domaines dans lesquels les femmes ont toujours été cantonnées. Evelyne s'est construite avec et contre sa mère qu'elle présente comme la personne qu'elle aime le plus au monde...
Le récit nous mène de Hanoï à Nouméa puis en France en passant par Cuba où Évelyne vivra une passion amoureuse de quatre ans avec Fidel Castro. Caroline Laurent glisse dans le roman quelques extraits de lettres d'amour de Fidel Castro adressées à Évelyne...
Caroline Laurent a eu la très jolie idée d'insérer dans le roman l'histoire de sa rencontre avec Evelyne, elle parle des échanges qu'elles ont eus, de ses doutes, de ses peurs et angoisses lorsqu'elle se retrouve seule pour finir le travail... On assiste ainsi à la construction du roman et on comprend le rapport auteur-éditeur. Mais l'histoire d’Évelyne renvoie Caroline à sa propre histoire et réveille des souvenirs personnels ce qui apporte encore une autre dimension au roman car le destin de la mère de Caroline Laurent va venir s'immiscer dans le récit. L'éditrice dit qu’Évelyne lui a tendu un miroir. "Son texte, depuis le début, est un miroir qu'elle me tend"
J'ai trouvé ce premier roman de Caroline Laurent absolument MAGNIFIQUE, les deux très belles voix d’Évelyne Pisier et de son éditrice s'entremêlent à merveille pour nous brosser les portraits de deux femmes engagées. La construction choisie par Caroline Laurent qui mêle l'histoire d’Évelyne et de sa mère et l'histoire de la construction du roman est une très belle réussite. Deux livres en un en quelque sorte...
Par-delà l'incroyable destin d’Évelyne et de sa mère, grande intellectuelle à la vie romanesque qui a épousé tous les combats du 20ème siècle, ce livre est aussi l'histoire d'une magnifique amitié entre deux femmes que 47 ans séparent et qui ne se sont côtoyées que quelques mois, une amitié entre une éditrice et son auteure. C'est l'histoire d'une belle promesse, d'une belle confiance d’Évelyne en Caroline qui dit avoir terminé le livre "sans elle mais avec elle".
En résumé, pour moi, c'est simple, ce roman est une pure merveille !
Merci à NetGalley et aux éditions Les Escales pour cette lecture en avant-première. .
Citations
" Certaines rencontres nous précèdent, suspendues au fil de nos vies... Notre moment était venu, celui d'une transmission dont le souvenir me porterait toujours vers la joie, et d'une amitié aussi brève que puissante, totale, qui se foutait bien que quarante-sept ans nous séparent"
" Je crois que les mères mentent. Qu'il n'y a rien de plus triste que cette seconde où l'enfant s'en va... Les mères sont égoïstes, et les enfants encore plus. Chacun prend à l'autre quelque chose qu'il ne lui rendra pas. Et toujours revient, lancinante, cette question d'un amour trop grand pour que l'on puisse y vivre."
"Contournements, digressions, bavardages sont à l'image des liens qui unissent un auteur et son éditeur"
" Sans Dieu, la mort n'est rien d'autre que la mort. Seul le néant. Le long infini du noir."
Les auteures
Evelyne Pisier est née en 1941 en Indochine. Sa vie résume tous les grands combats de la seconde moitié du XXe siècle : le féminisme, la décolonisation, la révolution cubaine... Directrice du Livre et de la Lecture de 1989 à 1993 au ministère de la Culture, elle fut également écrivain et scénariste. Elle est décédée en février 2017. Caroline Laurent, son éditrice et amie co-signe son dernier roman.
Caroline Laurent est née en 1988. Éditrice et amie d’Evelyne Pisier, elle terminera pour elle son dernier roman.
2ème lecture de la sélection d’automne des 68 premières fois
12ème participation au Challenge Rentrée Littéraire 2017
Me languis de découvrir cette merveille ;-)
RépondreSupprimerTu ne devrais pas être déçue... Bonne lecture
Supprimertrès très envie de le lire!
RépondreSupprimerje suis dégoûtée, je voulais le commencer hier, et mon exemplaire du livre a expiré sur netgalley :(
Tout problème a sa solution...
SupprimerUne grande envie de le lire, nous avons avec Evelyne que je n'ai pas connue beaucoup d'amis communs
RépondreSupprimerCe livre va certainement vous émouvoir encore plus que n'importe quel lecteur.
SupprimerBonne lecture !
Magnifique, vraiment. C'est étonnant comme ce qui aurait pu tuer le projet littéraire, la mort de l'auteur, a finalement permis la naissance d'un texte à la voix singulière, d'une très très belle sensibilité.
RépondreSupprimerJ'ai adoré ce livre qui a, comme tu dis, pris une autre ampleur avec le décès d'Evelyne Pisier. Je trouve qu'il developpe de multiples facettes et nous révèle un formidable ecrivain en la personne de Caroline Laurent qui du coup va passer de l'édition à l'écriture selon une confidence qu'elle m'a faite à Nancy... Je continuerai à la suivre c'est certain.
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