Date de parution : 23 aout 2023 chez Flammarion
Nombre de pages : 320
Nombre de pages : 320
"Le lycée, c'est un peu comme un bateau. Un bateau, à la dérive, dans un océan de béton."
Il est 7h30, sur le pont de Bondy, au-dessous du canal. Sous l'autoroute A3 qui enjambe le paysage, un carrefour tentaculaire sera bientôt le théâtre d'une altercation dont les conséquences vont enfler comme un orage, jusqu'à devenir une émeute capable de tout renverser. Nous la voyons grossir depuis le lycée voisin où nous suivons, au fil des cours et des récréations, la vie et le destin de Mo et de Sara, de leurs amis mais aussi de Candice, la prof de lettres et de théâtre, de ses collègues et de Paul, l'écrivain qu'elle a fait venir pour un atelier d'écriture. Tout au long de cette journée fatidique, chacun d'entre eux devra réinventer le sens de sa liberté, dans un ultime sursaut de vie.
Une journée dans un lycée de Bondy en Seine-St-Denis, le département le plus pauvre de la France métropolitaine. Une journée qui a commencé par l'altercation entre un lycéen et un passant. Mo, un élève de seize ans, a cru voir que l'homme était un policier et a posté la photo qu'il a prise sur les réseaux sociaux. Momo, le bon élève apprécié des profs et mis à l'écart par les autres élèves, devient un héros, il appartient enfin à un groupe. La rumeur va enfler auprès des jeunes des quartiers nord qui vont se mettre en marche, "un flot qui monte comme une marée d'équinoxe", la tension va monter tout au long de la journée. Engrenage de la rumeur puis de la colère et de la violence, ambiance électrique, comme un orage qui gronde mais dont on ne sait pas quand il va éclater, alors que les enseignants sont en assemblée générale pour dénoncer leurs conditions de travail.
L'auteur excelle dans la description de la vie de ce lycée. Du vacarme à la cantine, de l'infirmerie refuge des élèves à la course des profs à la photocopieuse, tout sonne très juste. Comme toujours Thomas B. Reverdy décrit à la perfection les lieux et les atmosphères, c'est précis, réaliste, détaillé, dense, parfois trop dense. Le lycée, les enseignants, les différentes manières d'être prof, la CPE, les surveillantes, la proviseure, les grands frères du quartier... tout est passé au peigne fin.
C'est un roman politique et engagé dans lequel l'auteur propose une réflexion sur les banlieues et dénonce avec force l'abandon dans lequel sont laissés certains quartiers, l'état de délabrement des bâtiments, le manque de moyens, le mépris envers les profs sous-payés. Il dénonce la création de ghettos en expliquant que pour travailler au lycée de Bondy il ne faut pas avoir peur, il faut connaître le fonctionnement, il faut donc venir de ce quartier, "c'est la définition du ghetto", une vie en vase clos. "On les fout tous au même endroit et on s'étonne qu'ils vivent en communauté ? Qu'ils conservent les codes du bled ? Des façons de s'habiller, de se nourrir ? Une religion ? "
Thomas B. Reverdy nous plonge de façon sidérante au cœur de l'émeute, auprès des policiers coincés dans leur voiture de patrouille et dans le lycée, à proximité de l'émeute, où ne sont perçus qu'une violence diffuse, des cris lointains et l'odeur irritante des lacrymogènes.
A noter le très beau passage où l'écrivain Paul anime un atelier d'écriture dans lequel il développe l'importance d'écrire pour pouvoir ensuite lire et fustige la disparition des rédactions, des expressions écrites, "on n'écrit plus comme un écrivain... Si on ne se met pas en position d'écrire, de se poser les mêmes questions qu'un écrivain - comment dire ça, comment faire ressentir cette émotion, comment raconter cette histoire - , alors on ne comprend plus ce que font les écrivains."
Un vibrant hommage aux enseignants des banlieues difficiles qui passent leurs journées à désamorcer des situations tendues. Un roman très réussi qui résonne tristement avec l'actualité.
Citations
" C'est une pitié de ne pas les enseigner à l'école, les Flaubert et les Nerval, d'aujourd'hui, de se contenter de ceux d'hier. On peut passer sept ans de cours de français, le bac et tout, et n'avoir rien appris qui fasse pousser la porte d'une librairie."
" Paul dit que la littérature parle du monde qui nous entoure et nous aide à le sentir, parce que les mots sont comme un sixième sens pour l'homme, comme l'ouïe ou la vue, une façon d'appréhender le réel."
" Il n'y a pas d'inspiration, on écrit en écrivant, c'est le seul secret. Faut se lancer. "
L'auteur
Thomas B. Reverdy est né en 1974. Il est l'auteur de sept romans, parmi lesquels "La Montée des eaux" (Seuil, 2003) et, aux éditions Flammarion, "Les Evaporés" (prix Joseph Kessel 2014), "Il était une ville" (prix des Libraires 2016), "L'Hiver du mécontentement" (prix Interallié 2018) et "Climax (2021) (Source: éditeur)
Photo : Céline Nieszawer © Flammarion
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