Date de parution : octobre 2015 au Seuil
Nombre de pages : 224
De l'encre à l'écran
En 2005, Noëlle Châtelet publiait "La dernière leçon", un magnifique récit que j'ai lu plusieurs fois et qui fait partie des textes qui m'ont le plus marquée.
Elle y racontait comment sa mère âgée de 92 ans, fondatrice et militante de l'ADMD (Association pour le droit de mourir dans la dignité) avait un jour annoncé à la table familiale sa décision de mettre fin à ses jours. Comment sa mère l'avait préparée à son départ "en une dernière leçon" durant les trois mois précédant son geste, trois mois où elle a accompagné sa mère sur ce chemin d'une mort choisie, trois mois où sa mère l'a guidée dans l'acceptation de la mort, trois mois au cours desquels le rire n'a jamais été absent. "Ultime apprentissage que celui-là, ritualisé dans un deuil vécu en
commun, avant la mort, pour qu'il ne soit plus à faire, après."
C'est un très beau récit sans pathos sur l'apprivoisement de la mort et sur la "dé-fusion" du couple qu'elle forme avec sa mère. Livre sur l'initiation à la mort et sur le droit à mourir.
Noëlle Châtelet va ensuite faire sien le combat de sa mère en militant à son tour pour le droit à l'aide active à mourir, pour elle la liberté de mourir est un droit fondamental.
Quelques années plus tard, Noëlle Châtelet se voit proposer d'adapter son récit à l'écran . Elle y voit l'occasion de transformer ce témoignage intime en message universel. Elle imagine ce passage de l'écrit à l'écran comme une sorte de passation qui va alimenter le débat sur la fin de vie.
Commence alors pour elle une période de doutes, d'hésitations, d'émotions extrêmes...
Elle est informée de l'avancée de l'écriture du scénario mais doit accepter des compromis par rapport à la réalité qu’elle a vécue. Elle accepte ainsi que dans le film apparaisse une famille fictive autour du couple mère-fille qui était le seul sujet de son livre, c'est une "trahison consentie". Ce rajout a pour objectif d'apporter la contradiction sur le sujet de la mort choisie par le biais de l'opposition formelle du frère de Diane, ce sera un film "librement adapté".
Le choix des deux personnages principaux Sandrine Bonnaire pour jouer son rôle (Diane) et Marthe Villalonga pour jouer le rôle de sa mère est aussi un moment important.
Elle passe par des périodes d'affolement où elle craint la déformation et la dépossession de cette histoire si personnelle.
Le choix des deux personnages principaux Sandrine Bonnaire pour jouer son rôle (Diane) et Marthe Villalonga pour jouer le rôle de sa mère est aussi un moment important.
Elle passe par des périodes d'affolement où elle craint la déformation et la dépossession de cette histoire si personnelle.
Lui vient alors l'idée de ce livre pour ne pas se sentir complètement hors jeu. Elle va y raconter le passage de cette histoire si singulière à une autre histoire qui lui échappe en partie. "Auteur confronté aux métamorphoses successives d'une libre adaptation de son histoire en un autre objet qui trahira forcément l'original".
La période de tournage sera source de multiples émotions , elle prendra beaucoup de plaisir à assister, avec l'accord de l'équipe, à certaines scènes intenses, elle parle du jour de l'annonce, du jour de la salle de bains, du jour du restaurant, du jour de l'accouchement...
Impression d'irréalité, de dédoublement de se voir incarnée par Sandrine, de voir le couple mère-fille que Sandrine forme avec Marthe, de découvrir les décors conçus au plus près de ceux dans lesquels sa mère a vécu, elle fournit même au décorateur des objets personnels, son ours en peluche notamment.
Impression d'irréalité, de dédoublement de se voir incarnée par Sandrine, de voir le couple mère-fille que Sandrine forme avec Marthe, de découvrir les décors conçus au plus près de ceux dans lesquels sa mère a vécu, elle fournit même au décorateur des objets personnels, son ours en peluche notamment.
Elle est émue de découvrir l'ambiance sereine qui règne sur le plateau, de voir comme tous sont habités par le sujet de son histoire, sujet qui renvoie chacun à lui-même. Son plaisir de venir sur le plateau de tournage se transforme en une sorte d'addiction.
Puis ce sera l’appréhension de découvrir le produit fini, la tristesse de se voir exclue de la salle de montage. En définitive, elle trouvera le film fidèle à l'esprit de son livre.
Ce livre nous fait entrer dans les coulisses de la réalisation d'un film, on y découvre toute sa complexité.
J'ai adoré ce récit empreint d'une grande humanité où j'ai retrouvé la plume de Noëlle Châtelet que j’apprécie tant.
Elle se met à nu avec une grande sincérité et fait preuve de virtuosité dans l'analyse de ses propres sentiments. On sent que ses mots sont toujours pesés, ils sonnent toujours très justes.
Ce livre confirme cet écrivain comme l'un de mes auteurs favoris.
J'ai adoré ce récit empreint d'une grande humanité où j'ai retrouvé la plume de Noëlle Châtelet que j’apprécie tant.
Elle se met à nu avec une grande sincérité et fait preuve de virtuosité dans l'analyse de ses propres sentiments. On sent que ses mots sont toujours pesés, ils sonnent toujours très justes.
Ce livre confirme cet écrivain comme l'un de mes auteurs favoris.
Je ne doute pas que ce film ait la place qu'il mérite dans le débat sur la fin de vie.
Citations
"Je me prends à revenir à l'alchimie entre ma mère et moi. Si
extraordinaire, si rare. Cet étonnant mélange de réciprocité que
j'appelais "gigogne" dans le livre, cet encastrement, ce l'une dans
l'autre qui définit, parfois, le lien mère-fille lorsqu'il est
parfaitement harmonieux. Un sur-mesure d'ébéniste ou de menuisier."
" Combien de fois l'ai-je martelé: " Le droit de mourir ne fait pas mourir. Au contraire !"
Pour ceux qui voudraient partir, la certitude qu'ils pourront le faire, librement, légalement, sans violence, le jour où ils l'auront décidé, cette pensée, oui, les apaiserait tant que, pour la plupart, ils renonceraient à se donner la mort. Ce n'est pas de mourir que les Français ont peur, mais de mal mourir."
"Mettre au monde, sortir du monde. Un seul et même geste. Dans la joie. Pourquoi pas?"
L'auteur
Noëlle Châtelet est une écrivaine et universitaire française née en 1944.
Elle a beaucoup écrit sur la problématique du corps. Elle a été professeur de "Techniques d'Expression" à l'I.U.T. de Sceaux dans les années 70. Elle a été directrice de l'Institut français de Florence de 1989 à 1991 et depuis 2003, est la vice-présidente de la Société des gens de lettres.
Elle a été récompensée par le Renaudot des lycéens en 2004 pour "La dernière leçon".
19ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015
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" Combien de fois l'ai-je martelé: " Le droit de mourir ne fait pas mourir. Au contraire !"
Pour ceux qui voudraient partir, la certitude qu'ils pourront le faire, librement, légalement, sans violence, le jour où ils l'auront décidé, cette pensée, oui, les apaiserait tant que, pour la plupart, ils renonceraient à se donner la mort. Ce n'est pas de mourir que les Français ont peur, mais de mal mourir."
"Mettre au monde, sortir du monde. Un seul et même geste. Dans la joie. Pourquoi pas?"
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Noëlle Châtelet est une écrivaine et universitaire française née en 1944.
Elle a beaucoup écrit sur la problématique du corps. Elle a été professeur de "Techniques d'Expression" à l'I.U.T. de Sceaux dans les années 70. Elle a été directrice de l'Institut français de Florence de 1989 à 1991 et depuis 2003, est la vice-présidente de la Société des gens de lettres.
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