Date de parution : janvier 2015 aux éditions Métailié
Nombre de pages :160
Trois livres en un
J'ai eu un très gros coup de cœur pour ce livre au très beau titre doté d'une bien jolie couverture.
L'auteur a imaginé ce texte après avoir été
contactée pour écrire la préface du court journal qu'a rédigé Marie Curie juste
après le décès accidentel de son mari Pierre en 1906, à l'âge de 47 ans, après
11 ans de vie commune. Ce journal intime de Marie Curie, journal de deuil, est
une sorte de lettre adressée à Pierre, un texte sobre et sincère.
Ce roman est donc en partie une biographie de
Marie Curie, femme exceptionnelle au destin exceptionnel mais pas seulement,
loin de là.
Rosa Montero a souhaité écrire un livre sur le
deuil et sur le dépassement du deuil mais aussi et surtout sur la place des
femmes dans la société.Venant elle-même de vivre le décès de son mari,
Rosa Montero, bien à même de comprendre les sentiments de Marie Curie, dit qu'écrire ce livre est pour elle une façon d'écrire la fin la vie de son
mari Pablo et la fin de leur vie commune, de "raconter l'expérience la
plus importante de ma vie".
De plus, de nombreuses et intéressantes réflexions de
l'auteur sur l'écriture en général sont mêlées à ce texte.
Une sorte de roman trois en un en quelque
sorte...
La partie biographie s'attache à nous montrer
Marie Curie en tant qu'être humain, les recherches scientifiques ne sont
qu’effleurées. Elle nous montre une Marie Curie volontaire, orgueilleuse,
tiraillée entre sa passion professionnelle et sa vie de mère.
Marie Curie perçue extérieurement comme une femme
très froide, ne manifestant aucune émotion était en fait, comme le montre son
journal, une femme percluse de douleur frôlant la démence suite à la mort de
son mari.
Rosa Montero commente les passages écrits par Marie,
et affirme que le deuil n'est pas une maladie dont il faut guérir "On
ne se rétablit pas d'un deuil, on se réinvente", elle revendique le
droit à vivre la souffrance du deuil sans la cacher et nous livre des passages
sublimes sur l'apprivoisement de la mort, la douleur du deuil, de la perte
"Quel dommage que j'ai oublié que tu pouvais mourir, que je pouvais te
perdre. Si j'en avais été consciente, je ne t'aurais pas aimé plus, mais mieux."
Les réflexions de Rosa Montero sur l'écriture vont de
l'avancée de l'écrivain vers "des perles de lumière, des îles d'émotion
brûlante jusqu'à l'explosion irradiante de la scène finale" à la
question de la distance indispensable à l'écriture "La question,
finalement, c'est la distance : arriver à analyser votre propre vie comme si
vous étiez en train de parler de celle d'un autre"
"Plus vous vous approchez de l'essentiel,
moins vous pouvez le nommer. La moelle des livres se trouve aux coins des mots.
Le plus important des bons romans s'amasse dans les ellipses, dans l'air qui
circule entre les personnages, dans les petites phrases. C'est pour ça,
je crois, que je ne peux rien dire de plus sur Pablo : sa place est au centre
du silence."
Elle évoque aussi le difficile équilibre entre fiction
et réalité "Il n'est pas facile de savoir où s'arrêter, jusqu'où
il est licite de raconter ou pas, comment manier la substance toujours
radioactive de la réalité."
Ce livre est écrit dans un style plaisant, direct et
parfois familier lorsqu'elle s'adresse au lecteur "Voilà. Je l'ai fait. Je
l'ai dit. En effet, ça console."
Parsemé de références historiques, littéraires ou
cinématographiques, ce livre évoque par exemple une étude selon laquelle "les
gens séparés et divorcés sont plus déprimés que les veufs", réhabilite
la vieillesse en reprenant les propos de Marie "Plus on
vieillit, plus on sent que savoir jouir du moment présent est un don
précieux, comparable à un état de grâce."
"Mais la vie n'a pas d'autre fin possible que la
mort. Et avant, si vous avez beaucoup de chance, la vieillesse."
Ce livre est un véritable bijou d’humanité qui reste dans la
mémoire longtemps après l'avoir fermé. Juste merveilleux à pleurer !
J'ai découvert ce livre chez Eva qui en a fait un
de ses coups de cœur 2015. J'ai préféré le découvrir sans lire sa
chronique pour ne pas influencer ma lecture mais, encore une fois, suivre les
avis d'Eva se révèle être sans risque...
Rosa Montero est une romancière et journaliste espagnole née en 1951.
En 1976, après des études de lettres et de psychologie, elle se tourne vers le journalisme et travaille dans différents médias. Elle est envoyée en reportage dans de nombreux pays (Amérique Latine, France, Grèce, États-Unis...) avant d'intégrer la rédaction du journal espagnol, El pais.
En 1983, elle publie son premier roman "Te tratare como une reina" qui est un succès immédiat. Huit autres romans et plusieurs nouvelles pour enfants confirment son talent d'écrivain en Espagne. Peu d’ouvrages sont traduits en français.
Je suis ravie que mon coup de coeur t'ait donné envie de le lire, et que tu l'aies aimé autant que moi :) Un billet comme le tien, c'est vraiment une motivation pour écrire sur mon blog !
RépondreSupprimerUn livre inoubliable que je te remercie de m'avoir fait découvrir. Je m'emploie à le faire connaitre autour de moi maintenant...
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