mercredi 30 septembre 2015

Les correspondances de Manosque - Septembre 2014

LES CORRESPONDANCES DE MANOSQUE du 24 au 28 septembre 2014


* Rencontre avec Eric Reinhardt pour son nouveau roman "L'amour et les forêts".
Passionnant...Un livre que j'ai vite envie de découvrir.



* Lecture par Maylis de Kerangal d'extraits de"Réparer les vivants".
Très gros coup de cœur pour ce livre qui sera certainement celui qui m'aura le plus marquée en 2014.
Un jeune homme de 19 ans, Simon, se trouve en mort cérébrale suite à un accident de voiture. Le processus de don d'organes est rempli avec rapidité mais avec également énormément de respect de la douleur, de respect du corps.
C'est un vibrant hommage au corps humain et un émouvant hymne à la vie.
Beaucoup d'humanisme et de justesse dans ce roman. De la souffrance, la mort, une nouvelle vie mais surtout un souffle de vie fabuleux.
Le style de Maylis de Kérangal est très particulier, beau et intense, fait de très longues phrases bien rythmées qui nous emportent dans cette belle aventure humaine avec une écriture précise, juste et souvent crue.
Tout simplement parfait...Cet ode à la vie est un véritable chef d’œuvre empreint d'une profonde humanité. Inoubliable...Les personnages nous habitent longtemps après avoir fermé le livre.
C'est un livre que j'ai conseillé à tout le monde autour de moi tellement il m'a bouleversée. 


L'auteure lit aussi bien qu'elle écrit, de l'émotion à l'état pur...



* Lecture musicale par Olivier Adam accompagné par son frère Julien de son nouveau roman "Peine perdue". 
Belle mise en valeur de ce roman qui semble intéressant.




* Rencontre avec Taiye Selasi qui présente son premier roman "Le ravissement des innocents".
Une femme très cultivée et très sympathique. Un roman à découvrir.


mardi 29 septembre 2015

Les promesses d'Amanda Sthers



Date de parution : août 2015 chez Grasset
Nombre de pages : 301

Les méandres de la pensée masculine

J'ai découvert Amanda Sthers avec ce roman et j'ai été bluffée par l'habilité avec laquelle elle réussit à se glisser dans la peau d'un homme.
C'est l'histoire d'un homme presque ordinaire à qui tout est promis, un homme à l'avenir tout tracé. 
Cet homme est tiraillé entre l'Italie et la très riche famille de son père et la France et la très modeste famille de sa mère. Entre Alexandre et Sandro il a du mal à savoir qui il est vraiment et ne se sent jamais à sa place. Il vit entre deux univers.
Il étouffe entre un père disparu tragiquement lorsqu'il avait 10 ans, une mère absente et un grand père imposant vendeur d'alcool milliardaire.
A force de laisser les autres décider de son destin, avec son incapacité à vivre dans le présent, il a conscience de laisser passer la vie, de rater sa vie en n'étant jamais lui même.
C'est aussi un roman sur un amour impossible avec son étrange histoire d'amour avec Laure, la femme de sa vie, pour qui il éprouve un amour pur.
Amanda Sthers réfléchit aux promesses que la vie nous fait et ne tient pas toujours.

Le roman est construit avec une alternance de chapitres sans ordre chronologique, comme un double récit entre France et Italie, entre enfance et âge adulte. L'auteure joue à nous perdre, elle situe certains événements par la date de la mort de personnages célèbres, Camus, Malraux, Monroe... Cela ne m'a pas dérangée, j'ai pris cela comme un jeu.
On éprouve de l'empathie pour Alexandre qui marche à côté de sa vie pour se retrouver seul avec le désespoir d'être passé à côté de l'essentiel et avec les regrets d'une vie pourtant pleine de promesses. 
"Les promesses réalisées même imparfaites sont préférables aux regrets".

Livre mélancolique et sensible où l'auteure fournit de belles réflexions sur les étapes de la vie d'un homme, sur l'incapacité des hommes à aligner envie et cœur, sur leur manie de passer à côté de l'essentiel par peur ou par dépit. Belle écriture truffée de jolies formules.


Citations
"J'espère avoir trahi toutes les promesses que je m'étais faites enfant. Devenir un homme, c'est revoir son plan de vol. Comprendre qu'on se trompe en permanence sur ce qu'on s'imagine que sera la vie."

"Les gens cognent sur ceux qui le veulent bien, ceux qui sans le réaliser le demandent : on choisit ses bourreaux, on baisse les yeux devant eux, on les autorise à cogner."

L'auteur
Amanda Sthers, née Amanda Maruani en 1978 à Paris, est une écrivaine, scénariste, auteur de pièces de théâtre, de sketches (pour Arthur, et Caméra Café) et de chansons.

Son premier roman, Ma place sur la photo, en 2004, est un livre autobiographique. Elle publie un second roman en 2005, Chicken Street, roman très bien accueilli par la profession et le public.
Mais c'est en 2006, avec la pièce de théâtre Le vieux juif blond, qu'Amanda se fait vraiment connaître.
Parallèlement, Amanda continue d'écrire, et se diversifie dans les livres pour enfants.



11ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

lundi 28 septembre 2015

Marie d'en haut d'Agnès Ledig



 
Date de parution : juin 2011 chez Les Nouveaux Auteurs
Nombre de pages : 320

Très émouvante histoire de 3 adultes blessés par la vie, sans le moralisme qu'on retrouve un peu trop dans les livres suivants d'Agnès Ledig. Les personnages sont très attachants.

Beaucoup de thèmes différents sont abordés : le rejet de l'homosexualité, la filiation, la violence conjugale, la violence envers les enfants, l'abandon et la peur de le revivre...

Écriture fluide qui rend ce livre très agréable à lire. 


Citations
"Marie n'est pas jolie au sens populaire. Elle ne ferait pas la couverture de Femme Actuelle. Elle est femme, mais pas actuelle. Elle vient d'un autre temps."

"Après son départ, en touillant mon café, j'ai cherché comment définir l'impression qu'il m'avait faite. J'ai cherché longtemps. Il me faisait penser à un parpaing fourré à la frangipane. En apparence, un mec gris, dur, rugueux, mais dont l'intérieur est riche. Limite indigeste."


Lus du même auteur
 



dimanche 27 septembre 2015

Derrière la grille de Maude Julien




Date de parution : septembre 2014 chez Stock
Nombre de pages : 312

C'est le témoignage effrayant d'une enfant "élevée" (plutôt dressée ) par un père démoniaque, paranoïaque qui veut l'endurcir, en faire un être supérieur. Dans son délire, lui même se considère comme un grand initié, un être de lumière.
Maude vit enfermée, cloîtrée, coupée du monde, suivant un enseignement dispensé par sa mère à la fois complice mais aussi victime de son mari.
Ses parents appliquent les préceptes d'une éducation "à la dure" pour la préparer aux risques qu'elle rencontrera dans sa vie d'adulte (emprisonnement, torture, tireurs embusqués, kidnapping, cambrioleurs...) Elle subit des" tests de courage" pour fortifier son courage, des exercices de volonté (tenir fil électrique à pleine main par exemple), des exercices pour "tenir" l'alcool, elle est entrainée au maniement des armes.

Son emploi du temps est chronométré à la minute , levée à 6h, couchée à 23h30 . Le comportement de son père est complètement despotique, il fait travailler femme et enfant, allant même jusqu'à se faire habiller par sa fille instaurant un "service du coucher" et un "service du réveil.

Maude se sent nulle, inutile, coupable de ne pas y arriver, en attente d'un geste d'amour qui ne vient jamais. elle éprouve des sentiments contradictoires envers son père , oscille entre peur, fascination, honte de le détester.

Maude trouve refuge et réconfort auprès de ses animaux (on est très émus par la force du lien créé avec son chien Linda...) et dans l'évasion dans ses lectures interdites puis dans l'écriture. Quelques rares moments de complicité avec sa mère égaient un peu sa vie mais l'attitude ambigüe de celle-ci la déstabilise. L'envie de mourir l'envahit, s'ensuivent des tentatives de suicide avortées, des automutilations...

C'est un témoignage très émouvant , on éprouve beaucoup, beaucoup d'émotion à la lecture de cette histoire vraie, on réalise que le mot "maltraitance" est bien faible pour décrire ce qu'elle a vécu. On se demande jusqu'où son père va aller et surtout comment elle va pouvoir s'en sortir et se reconstruire.Dans la dernière partie du livre on voit, avec plaisir, monter sa révolte. On ne peut qu'admirer sa force de caractère.


Citations
" Le système implacable et quasi étanche que mon père avait créé tuait dans l’œuf toute possibilité de révolte. Pourtant, j’ai fini par trouver le chemin de la liberté. J’ai eu la chance de recevoir l’amour et la tendresse sans conditions de quatre êtres merveilleux : une chienne, deux poneys et un canard. Des humains aussi m’ont montré de l’amitié : une prof de piano sévère, une coiffeuse terrorisée et une lycéenne recalée au bac. Les livres et la musique m’ont ouvert à des idées, des sentiments et des imaginations qui défiaient l’endoctrinement."

"Mon père est un grand guérisseur et le whisky est son remède miracle contre les écorchures comme contre les rages de dents. Il m’en fait boire une bonne rasade en me recommandant de garder l’alcool le plus longtemps possible dans la bouche."

samedi 26 septembre 2015

Chambre 2 de Julie Bonnie


Date de parution : août 2013 chez Belfond
Nombre de pages : 185

Prix du Roman Fnac 2013


J'avoue que j'ai été dans un premier temps surprise par le ton de ce livre puis j'ai été littéralement happée...
La narratrice est Béatrice, jeune femme inadaptée qui a vécu sur les routes se produisant comme danseuse nue dans le show du Cabaret de l'Amour, accompagnée au violon par son compagnon Gabor avec qui elle a eu 2 enfants. Pierre et Pierre, un couple de travestis, faisait également partie de leur troupe; ils finissent par se suicider.
Le récit fait alterner des souvenirs de Béatrice et son présent dans une maternité où elle travaille comme auxiliaire de puériculture.
Moi qui ai travaillé un temps à l'hôpital, je me suis dit que les scènes en maternité étaient très bien observées, à croire que l'auteur avait vécu toutes les situations décrites : la mère qui ne réussit pas à allaiter, le déni de grossesse, la sage femme confrontée à la mort d'un nouveau né, le médecin odieux... Et en cherchant des renseignements sur Julie Bonnie j'ai découvert que depuis quelques années elle travaillait dans une maternité, tout s'explique!!!
Elle aborde le dogme de l'allaitement, le comportement du personnel hospitalier, les discussions des collègues toujours dans le jugement des mères entre commérages et lieux communs, les temps de transmission entre collègues...
J'ai aimé sa façon de prendre en charge les bébés et d'aider les femmes à devenir mères avec sensibilité et humanité.
Cette lecture, assez mal commencée, a fini par être un moment de pur bonheur. 


Citations
"Ce que l’hôpital préconise en ce moment changera bientôt, mais ce n’est pas grave.
L’hôpital a toujours raison et protège bien les bébés de la folie maternelle.""

"Elle a noté un truc dans son dossier et m'a dit au revoir, mais j'ai entendu pauvre fille, je lui ai répondu au revoir, mais j'ai pensé connasse." 

vendredi 25 septembre 2015

Petit piment d'Alain Mabanckou



Date de parution : août 2015 au Seuil
Nombre de pages : 273

C'est l'histoire d'un bébé congolais abandonné dans un orphelinat au Congo, à proximité de Pointe- Noire.
L'auteur met en scène Moïse, jeune orphelin de 13 ans affublé du surnom de « Petit Piment », qui vit dans un orphelinat dirigé par un directeur autoritaire et très corrompu. Moïse, comme son meilleur ami Bon aventure Kokolo, a été abandonné à l'âge de 2 mois et recueilli dans cet orphelinat géré par une congrégation religieuse.
Leurs seuls rayons de soleil sont les originales leçons de catéchisme du prêtre Papa Moupelo. 
Mais la "révolution socialiste" s'installe dans le pays et l'orphelinat passe aux mains d'un directeur nommé par les autorités politiques, le gouvernement interdit la religion dans les établissements publics du pays.
Une section de l'UJSC, union de la jeunesse socialiste congolaise, est installée dans l'orphelinat.

On va ensuite suivre Moïse à Pointe-Noire lorsqu'il parvient à s'enfuir de l’orphelinat avec deux jumeaux caïds. S'ensuivra une vie d'errance dans la rue avant qu'il ne trouve une sorte de famille d'adoption auprès de maman Fiat 500 et de ses dix filles, toutes plus belles les unes que les autres...

 « Petit Piment » est un roman social sur l'enfance malmenée mais Alain Mabanckou nous dépeint également la société congolaise. A travers la vie de "Petit ­Piment", c'est l'histoire de ce pays, l'indépendance, la révolution socialiste que le lecteur découvre en arrière-plan. Le tout baigne dans une atmosphère de cor­­ruption, de pauvreté et de conflits ethniques. La condition des femmes y est aussi dépeinte sans concession.

La langue d'Alain Mabanckou est pétillante et imagée, pleine d'humour notamment dans le choix des noms des personnages. Les portraits sont vivement troussés et le rythme alerte.

Un beau moment de lecture.


Citations
"Lorsque les Blancs sont venus en Afrique, nous avions les terres et ils avaient la Bible. Ils nous ont appris à prier les yeux fermés : lorsque nous les avons ouverts, les Blancs avaient la terre et nous la Bible."

"Plus les semaines s'écoulaient, plus les mots précieux que nous avions mémorisés grâce à notre prêtre s'effaçaient, de même que les airs de ses chansons qui nous donnaient le courage de commencer la semaine à l'école."


L'auteur
Alain Mabanckou est né en 1966 au Congo Brazzaville. Son enfance se passe à Pointe-Noire, capitale économique du Congo.
Il commence des études de Droit à Brazzaville et les poursuit en France où il obtient un DEA en Droit des affaires.
La Lyonnaise des Eaux – aujourd’hui SUEZ – l’engage alors comme conseiller, et il occupera ce poste pendant une décennie.

Parallèlement il publie des livres de poésie puis fait paraître un premier roman en 1998, Bleu-Blanc-Rouge, qui lui vaut le Grand prix littéraire d’Afrique noire.

Il démissionne de la Lyonnaise des Eaux lorsque l’Université du Michigan lui propose le poste de Professeur des littératures francophones en 2002. Il y enseigne pendant 4 ans avant d’accepter l’offre de la prestigieuse Université de Californie-Los Angeles, UCLA, où il enseigne actuellement au Département d’études francophones et de littérature comparée.

"Mémoires de porc-épic" a reçu le Prix RENAUDOT 2006 et Le Prix de la rentrée littéraire française 2006
En 2012, l'Académie Française lui décerne le Prix Henri Gal pour l'ensemble de son œuvre.

10ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

jeudi 24 septembre 2015

N'oublier jamais de Michel Bussi




Date de parution : mai 2014 aux Presses de la Cité
Nombre de pages : 544

Jamal, le personnage principal très sympathique, est unijambiste mais sportif et séjourne à Yport. C'est un gentil qui a grandi dans une cité. Il nous raconte son histoire : au cours d'un entraînement à la course au sommet d'une falaise, il  ne peut empêcher le suicide d'une jeune fille, et se retrouve brutalement suspect unique d'un meurtre doublé de viol.
Deux meurtres similaires ont eu lieu 10 ans plus tôt au même endroit.
 
La construction  du roman est subtile : c'est Jamal qui raconte son histoire, prenant même le temps de rassurer son lecteur, lui demandant de lui faire confiance...On pénètre progressivement dans l'histoire par le biais des perceptions de Jamal, ses souvenirs et ses découvertes. Son récit est entrecoupé d'articles de journaux sur les meurtres qui ont eu lieu 10 ans auparavant.

C'est une histoire complètement machiavélique dans laquelle on ne sait vraiment plus quoi croire...Une histoire qui, dès les premières lignes, parait relever du surnaturel... 

C'est un thriller avec beaucoup de tensions dans lequel on se laisse embarquer malgré soi. Une fois commencé, il est impossible de lâcher ce livre...
De rebondissements en rebondissements, l'auteur nous tient en haleine dans cette intrigue à tiroirs incroyable sans aucun temps mort.
Les personnages sont attachants et restent dans l'esprit du lecteur une fois le livre terminé.



Citations
"Longtemps, je n'ai pas eu de chance.
[...] Pour que la pièce retombe un jour de votre côté, il faut juste jouer, souvent, beaucoup, recommencer, toujours.
Insister."

"Leur mariage fut programmé pour le 2 octobre 2004. Le cadavre de Myrtille portait à l'annulaire sa bague de fiançailles.
Il y aurait eu beaucoup de monde au mariage de Myrtille.
Beaucoup, mais peut-être pas autant qu'il y en eut à son enterrement."


Lu du même auteur

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mercredi 23 septembre 2015

Pardonnable, impardonnable de Valérie Tong Cuong


Date de parution : janvier 2015 chez Lattes
Nombre de pages : 300


Magistral... Très gros coup de cœur... 
Ce livre m'a fait passer une nuit blanche, je ne pouvais pas m'arrêter...
Tout commence avec Milo,12 ans, qui sombre dans le coma après une chute de vélo.
Cet accident va bouleverser l'équilibre de sa famille. Ses parents, sa grand mère maternelle et sa tante maternelle voient leurs vies se désintégrer. Cet accident va être le révélateur de non dits, de mensonges, de silences, d'erreurs et de secrets de famille. De multiples sentiments sont formidablement développés : la culpabilité, la colère, la haine, la vengeance, l'amertume et enfin le pardon.

La psychologie des personnages est très bien rendue et l'écriture est simple et très agréable à lire.
Une auteur à suivre... 


Citations 
« On avait ce jeu tous les deux, pardonnable, impardonnable. Tu voles dans mon porte-monnaie : pardonnable. Un hold-up : pardonnable. Tu as commis un homicide involontaire : pardonnable. Un meurtre : pardonnable. Un assassinat, je viendrai te voir en prison ! On cherchait pour quel motif on pourrait bien se laisser tomber, lui et moi, on n'en voyait aucun : tout ce qui pourrait arriver de mauvais ou de contrariant, à l'un comme à l'autre, aurait forcément une explication, sinon une justification. Ce qui est bien, disait Milo en collant son nez dans mon cou, c'est de savoir que quelqu'un sera là pour toi quoi qu'il arrive, qu'au moins une personne au monde ne cessera jamais d'avoir confiance en toi. Ce qui est bien, répondais-je, c'est de savoir qu'une personne au monde, rien qu'une seule, tient à toi pour toujours. Quoi qu'il arrive. » 

"Marguerite était mon cancer. Elle avait d'abord enflé dans mon ventre et, à présent, elle colonisait mon sein. Ce n'était pas un amas de cellules malignes que je palpais, mais la douleur de sa naissance que je portais depuis toujours sans jamais avoir réussi à m'en délivrer, sans jamais pouvoir en confier le fardeau. J'étais le monstre qui avait accouché du monstre."


mardi 22 septembre 2015

L'extraordinaire voyage du fakir qui était resté coincé dans une armoire Ikéa de Romain Puertolas




Date de parution : août 2013 éditions Le Dilettante
Nombre de pages : 256


Ajatashatru Lavash (prononcez attache ta charrue la vache), fakir de son état, vient en France pour acheter un lit à clou chez Ikea. Il se retrouve embarqué dans des aventures rocambolesques.
Romain Puertolas nous décrit un personnage attachant, roublard et maladroit. On se délecte à le suivre à travers le continent. L'auteur dresse aussi en arrière fond, un état des lieux de l’Europe et de notre société. Il découvre la misère et la clandestinité. Ces rencontres le feront réfléchir et l'amèneront progressivement à vouloir faire le bien autour de lui.
C'est drôle, étonnant parfois décapant.
Un roman délicieux à mettre dans toutes les mains
Une histoire rafraîchissante qui procure un bon moment de détente. 


Citations 
"Et puis, elle avait un âge où si elle voulait quelque chose, elle le prenait tout de suite. La vie passait à une vitesse folle maintenant. Comme quoi, une petite bousculade dans la queue d’un Ikea pouvait parfois donner plus de résultats que trois ans d’abonnement à Meetic."

"Des fois, il suffit que les gens vous voient d'une certaine manière, qui plus est si l'image est valorisante, pour vous transformer en cette belle personne. Ce fut le premier coup d'électrochoc que le fakir reçut en plein cœur depuis le début de cette aventure."


Lu du même auteur 

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lundi 21 septembre 2015

Otages intimes de Jeanne Benameur



Date de parution : août 2015 chez Actes Sud
Nombre de pages : 176

Comment ré-apprivoiser une vie volée qui vous échappe totalement

Magnifique!!!

Jeanne Benameur nous raconte la vie d'un otage. On ne sait pas dans quel pays en guerre il a été enlevé ni combien de temps il est resté captif mais peu importe...

Défilent l'enlèvement lors d'un reportage d'Etienne, photographe de guerre, l'enfermement, le confinement, la sensation de n'être qu'un objet, les techniques de survie, la libération, le retour au pays, le difficile chemin du retour à la vie...
Le moment où il retrouve sa mère au pied de l'avion qui le ramène en France est sublimement décrit.
Etienne éprouve le besoin de retrouver ses racines en retournant dans le village de son enfance dans la maison maternelle pour essayer de retrouver un peu de paix, de comprendre et d'entamer un lent travail de reconstruction... "Comment passe-t-on du sauvage de toutes les enfances à la barbarie? Quand franchit-on le seuil de l'inhumain? Ceux qui ont tué, violé, massacré, par quoi leur pensée d'homme était elle prise en otage ? "
Cette libération n'est pas pour autant la fin de l’enfermement... Les murs, les menaces ont disparu mais ce dont il a été témoin ne s’efface pas.

On mesure l'impuissance de sa mère, "Elle a perdu le pouvoir de sa voix, le soir, pour l'endormir. Comment berce-t-on un homme qui a derrière les paupières toutes les atrocités ?" qui fait écho à l'impuissance qu'il a si souvent ressenti après avoir photographié des corps lors de ses reportages de guerre.
On comprend l'appel à partir qu'il ressentait, comme son père ressentait l'appel du large.
Les personnages qui gravitent autour d'Etienne sont tous très justes : Irène sa mère, ancienne institutrice dont le mari a disparu en mer, Emma, son ancienne compagne, qui n'a pas pu se résoudre à vivre l'attente, Enzo et Jofranka ses amis d'enfance. Enzo n’a pas quitté le village. Entre deux vols de parapente, il travaille en silence le bois dans son atelier d’ébéniste. Jofranka est avocate spécialisée dans la défense des femmes des pays en guerre, elle tente de libérer leur parole, de permettre leur témoignage contre les crimes de guerre auprès du Tribunal de La Haye.
Chacun d'eux va s'interroger  sur ce qui fait de chacun d'eux des otages intimes.

C'est un récit profondément humain qui nous interroge sur le sens de la vie et sur nos façons de voir et vivre le monde sans donner de leçon.
Il y a beaucoup de justesse et de finesse dans l'expression des ressentis, des sentiments.
On est porté par une magnifique écriture de la première à la dernière ligne, concise, précise et forte.
On se laisse porter par le rythme, par les images...
J'ai découvert, avec ce livre, l'écriture de Jeanne Bénameur, empreinte d'humanité, élégante, juste et parsemée de nombreuses phrases sublimes. Il est de ces textes qui laissent des traces tant la grâce est présente...



Citations
"Maintenant il a vécu ce qu'était : ne compter pour rien. Devenir juste une monnaie d'échange entre deux mondes, pendant des mois cela a été sa seule utilité. Il a compris dans sa chair. C'est cela pour des peuples entiers. Il ne pourra jamais oublier."

"Dès que je serai libéré d'ici, je te fais la promesse que je prendrai le temps de regarder la lumière arriver sur le grand pré le matin, le temps de marcher jusqu'où je pourrai, le temps d'écouter l'eau du petit torrent,le temps."


9ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015. 1% atteint!

dimanche 20 septembre 2015

Pétronille d'Amélie Nothomb




Date de parution : août 2014 chez Albin Michel
Nombre de pages : 180

Histoire sans queue ni tête sur la passion de l'auteur pour le champagne, une sorte d'apologie de l'ivresse... via une pseudo autobiographique.
Ce soi-disant roman  parle d'amitié de beuverie au champagne grand crû...
J'ai trouvé que le récit, essentiellement résumé à un dialogue entre Pétronille et Amélie, était ennuyeux et plat.

Pour moi, tous les louanges systématiques aux livres d'Amélie Nothomb relèvent de beaucoup d'hypocrisie et de snobisme.

J'avais beaucoup aimé les premiers romans d'Amélie Nothomb mais celui-ci est pour moi bien décevant... Reste à voir si c'est lié à  Pétronille uniquement ou si c'est moi  qui ne suis plus réceptive à son écriture...

Le seul intérêt que j'ai trouvé à ce livre, c'est qu'il se lit très vite et qu'on peut donc vite passer à autre chose...


Citations
"Rien ne me désole plus que ces gens qui, au moment de goûter un grand vin, exigent de "manger un truc": c'est une insulte à la nourriture et encore plus à la boisson. "Sinon, je deviens pompette", bredouillent-ils, aggravant leur cas. J'ai envie de leur suggérer d'éviter de regarder de jolies filles: ils risqueraient d'être charmés."

"Il y a deux attitudes possibles chez ceux à qui je viens de signer un livre : il y a ceux qui partent avec leur butin et ceux qui se rangent sur le côté et me regardent jusqu'au bout de la séance. Pétronille resta et m'observa. J'eus l'impression qu'elle voulait me consacrer un documentaire animalier."

Lu du même auteur 


samedi 19 septembre 2015

En attendant demain de Nathacha Appanah

 



Date de parution : février 2015 chez Gallimard
Nombre de pages : 208


Ce livre fait partie des romans, qu'une fois commencé, on ne peut plus lâcher.
Le décor est campé dès le départ : Adam est en prison, Adèle est morte, des détails sont ensuite distillés tout au long du livre pour nous permettre d'assembler le puzzle.
Anita et Adam sont en couple. Elle, mauricienne, se sent toujours un peu "l'étrangère de service" et lui le "provincial de service". Après leur rencontre lors d'un réveillon à Paris, unis par le sentiment de ne pas être à leur place, ils partent s'installer dans la région d'Adam dans une maison en lisière de la forêt. Leur fille Laura nait.
Anita devient peu à peu insatisfaite de sa vie de mère au foyer, ses ambitions d'écrivain sont bien loin. Adam a lui aussi abandonné son rêve de peindre et se contente de son travail d'architecte.
Un jour, Anita fait la connaissance d'Adèle, mauricienne sans papiers, qui va rapidement s'installer chez eux pour s'occuper de la maison et de Laura.
On découvre peu à peu par petites touches subtiles l'histoire et la psychologie des personnages et le drame qui a fait basculer leur vie.
Les souvenirs de l'île Maurice sont aussi bien présents dans ce livre ainsi que les préjugés, les clichés éculés dont sont victimes les gens des îles en métropole.

En définitive, j'ai aimé ce livre plus pour sa construction, pour le rythme de l'écriture que pour l'histoire elle même qui m'a laissée un peu sur ma faim, j'avais certainement trop d'attente sur ce mystère savamment entretenu tout au long du livre...


Citations 
"Adam est devenu l'architecte des piscines, de centres de conférences, des gymnases et de la bourgeoisie locale. A quel moment a-t-il renoncé à ses rêves de concevoir une église, un musée, un mémorial? S'il ne peignait pas dans le secret de l'atelier, s'il ne pensait plus aux couleurs, aux textures, aux formes, s'il avait consacré son énergie et son ambition à son seul métier, serait-il devenu un autre homme, un autre architecte?"

"Il y a autre chose que l’amitié entre ces deux femmes, il y a un pays, des images qu’il ne faut pas légender, des gestes qu’il ne faut pas décortiquer, la petite mémoire des enfances, la petite mémoire des pays qu’on quitte."

vendredi 18 septembre 2015

La vérité sur l'affaire Harry Québert de Joël Dicker













Date de parution : septembre 2012 aux Editions De Fallois
Nombre de pages : 670

Prix Goncourt des lycéens 2012
Grand prix de l'académie française 2012

Dans l’Amérique électorale de 2008, Marcus Goldman, jeune écrivain à succès mais en légère panne d’inspiration, part dans le New Hampshire tenter d'établir l'innocence de Harry Quebert, son mentor. 
Il se lance dans une enquête sur un meurtre qui a été commis trente ans plus tôt afin d’aider Harry,  accusé pour avoir entretenu autrefois une liaison avec la victime, Nola, une très jeune fille. Son cadavre a été retrouvé dans son jardin, ses bras enserrant le manuscrit original d’un best-seller qu’il lui avait dédiée.

Il nous fait pénétrer au cœur de son enquête. Un livre sortira de cette plongée car au fond, ce que nous raconte l'auteur, c’est l’histoire d’un livre sur un livre…

La Vérité sur l'affaire Harry Quebert est d'abord un polar, dont les six cent soixante-dix pages, écrites dans un style simple et clair, se dévorent comme les gros thrillers.
Mais Joël Dicker nous parle aussi des Etats-Unis, de sa littérature, de son côté parfois fabriqué et  de ses compromissions. L'intrigue se resserre vite sur les rapports entre le héros et son maître et met en son centre l'idée de transmission et celle de la fabrique du talent. Ce livre pose la question "Comment écrit-on un (bon) livre à succès?"


L'architecture du roman est remarquable, au-delà même de l’originalité de l’intrigue. L'écriture est fluide et l'intrigue avec ses multiples rebondissements est palpitante. 


Citations 
"Écrire un livre, c'est comme aimer quelqu'un : ça peut devenir très douloureux."
"L'amour, l'amour, toujours l'amour! Mais l'amour, ça ne veut rien dire, Goldman! L'amour, c'est une combine que les hommes ont inventée pour ne pas avoir à faire leur lessive!"

Cette lecture rentre donc a posteriori dans le Challenge Goncourt des Lycéens d'Enna








Lu du même auteur 



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jeudi 17 septembre 2015

Les gens dans l'enveloppe d'Isabelle Monnin



Date de parution : septembre 2015 chez J.C. Lattes
Nombre de pages : 379

Très beau livre sur la nostalgie du passé.
Isabelle Monnin a utilisé un procédé très original, sans doute inédit, pour écrire ce livre.
Elle nous offre en fait de 2 livres en un, le tout accompagné de surcroit  d'un CD.
Tout commence par l'achat qu'elle fait sur internet, pour 10€, de 250 photos de famille. L'idée lui vient d'imaginer la vie de ces gens qu'elle voit sur ces photos, ces gens dans l'enveloppe,  mais aussi, une fois la fiction terminée, de les retrouver et de recueillir leur histoire.
Elle fait le contrat avec elle-même de ne rien modifier à son roman une fois qu'elle aura découvert leur véritable histoire.
Son ami Alex Beaupin, auteur-compositeur-interprète, lui propose de composer un CD de chansons qui ont accompagné la vraie vie des Gens dans l'enveloppe.

Les photos qu'elle décortique minutieusement lui inspirent une histoire d'abandon.
Nous sommes à la fin des années 70 dans l'Est de la France.
L'auteur traduit avec des mots très émouvants l'attente d'une petite fille de 8 ans, Laurence, dont la mère est partie en Argentine sans un mot, la laissant seule avec son père Serge, homme triste qui se réfugie dans l'alcool. Elle attend sa mère jour et nuit, demande un répondeur comme cadeau de Noël pour que sa mère puisse y laisser un message au cas où...  Laurence écrit des poèmes pour survivre.

Isabelle Monnin imagine sa mère, Michelle, habitée d'une envie d'ailleurs. C'est une femme qui "étouffe dans l'immuable". Le seul moment où elle se sent vivre, c'est lorsqu'elle coupe les virages en mobylette au mépris de tout danger. Elle refuse son destin de paysanne ou d'ouvrière en métallurgie et part en Argentine suivre son amant. Mais à cette époque, c'est la dictature qui règne en Argentine, la terreur et la torture sévissent...
Isabelle Monnin décrit  un monde où on ne se parle pas et où la solitude est absolue.
Cette fiction est écrite d'une très jolie écriture poétique.

Dans la deuxième partie du livre, l'auteur nous raconte l'origine du livre, comment se sont dessinés peu à peu les contours de son roman où il y aura "un fleuve et des femmes. Des hommes aussi, mais à côté, un peu derrière"
Puis elle raconte l'enquête qu'elle a menée pour retrouver les Gens dans une région située par hasard à une soixantaine de kms de sa région d'origine en Franche Comté. Elle quitte alors le style poétique pour adopter un ton journalistique. Cette enquête qui la plonge dans des souvenirs de sa propre enfance, avec en arrière plan l'ombre de sa sœur décédée, est vivante et pleine de suspens.
La vie de cette famille qu’elle va découvrir n'est pas banale, mais ne dit-elle pas que " Toute vie humaine est intéressante" et l'auteur va relever plus d'un point commun entre la réalité et sa fiction. Elle sera surprise de s'apercevoir que le personnage principal de l'enquête n'est pas Laurence comme elle le croyait mais son père Michel, l'enfant plusieurs fois abandonné.
Il est émouvant de voir les réactions des membres de la famille face à la démarche de l'auteur et de voir se tisser de solides liens d'amitié entre eux.
Cette famille a vraiment eu beaucoup de chance de voir son histoire imaginée puis écrite par cet auteur.
On sent au travers de la démarche d’Isabelle Monnin le souci de conserver la mémoire de ce qui fut, la nostalgie de ce qui a été vécu.

Livre impossible à lâcher que je conseille vivement.



Citations
" Je ne lui parle pas de mes collections de moments, les moments pleins, les moments vides, les moments où je n'ai peur de rien, les moments sans penser et la plus fournie : la collection des moments d'ennui."

"C'est une idée fixe, bouger, qui a fini par ne plus être une idée mais la totalité de ce qu’elle est, une idée sans y penser, plus importante que le plus important, une idée fixe et une différence avec Serge, de celles qui se découvrent longtemps après que les mariages ont été fêtés, un fossé sans pont pour le traverser."

"Je vais les connaître, ils vont me faire confiance, ils me raconteront des choses, m'en cacheront d'autres, ils pleureront, ils riront, ils s'étonneront de me dire tout cela. Je sais pourtant que je n'accéderai pas à leur intérieur. Je n'aurai jamais que l'enveloppe des gens".

8ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015. 1% atteint!