lundi 29 février 2016

Bilan de mes lectures de février 2016

Un mois de février riche en très belles lectures avec trois coups de cœur, des excellents romans mais aussi 2 déceptions.




  • Une magnifique façon d'aborder le deuil, l'amour et l'amitié : L'arbre du pays Toraja de Philippe Claudel 
  •  Le nouveau Olivier Adam,  une belle réussite... :  La renverse  d'Olivier Adam


J'ai adoré 

  J'ai beaucoup aimé



  • Une histoire déroutante d'amour via Facebook : Celle que vous croyez de Camille Laurens  
  • L'histoire d'un arrière grand père bien peu ordinaire : L'autre Joseph de Kéthévane Davrichewy
  • Un très beau document sur les années noires à Berlin et en France : Rien où poser sa tête de Françoise Frenkel  
  • Un premier roman qui mérite d'être connu : Je me suis tue  de Mathieu Menegeaux  
  • Une belle découverte : Comme neige de Colombe Boncenne


J'ai bien aimé




Je n'ai pas aimé mais pourquoi pas 







Au programme de mars :  


Des livres des rentrées littéraires de septembre et de janvier

un livre audio


et une BD

Bon mois de mars et bonnes lectures...

samedi 27 février 2016

Comme neige de Colombe Boncenne


Date de parution : janvier 2016 aux éditions Buchet-Chastel.
Nombre de pages : 115

A la recherche du livre fantôme

Ce petit livre de seulement 115 pages est un pur délice.

Constantin, comptable dans une imprimerie, est un amoureux de la littérature, il est marié depuis 20 ans avec Suzanne, documentaliste. Sa maîtresse, Hélène, attachée de presse partage son amour de la littérature et sa passion pour l'écrivain Émilien Petit qui depuis quelque temps a choisi l'anonymat médiatique. 

Constantin découvre un jour, par hasard, "Neige noire", un roman inédit de cet auteur, dont il pensait tout connaître, il le dévore puis l'égare. Lorsqu'il en parle ensuite à Hélène il découvre que ce roman ne figure pas dans la  bibliographie de l'auteur. Il n'en trouve aucune trace même sur internet.

Constantin  va alors mener une enquête chez les éditeurs et les écrivains pour retrouver la trace de ce  livre.
On va croiser successivement Jean Philippe Toussaint, Antoine Volodine et Olivier Rolin.
A noter que ces auteurs, sollicités par Clémence Boncenne, qui connaît bien le monde de l'édition, dans lequel elle travaille depuis de nombreuses années, ont joué le jeu : leurs interventions dans son roman sont authentiques.

Constantin va aussi relire toute l'œuvre d’Émilien Petit à la recherche d'indices car les livres de cet auteur semblent se répondre les uns aux autres, un livre en annonçant un autre.

Le mystère reste entier. Est-ce un exemplaire unique? Un livre rescapé d'un tirage détruit? Un hapax? (on découvre des mots étranges dans ce livre...).

Ce livre, situé dans les coulisses de l'édition et de la création littéraire, est une belle réflexion sur les rapports entre fiction et réalité, sur l'écriture et surtout sur le lecteur.  
"Comme neige", bourré de références littéraires, est original et plein de malice. L'auteur, dont c'est le premier roman, fait preuve de beaucoup de talent, d'une belle imagination et a construit un récit riche en suspense et très joliment écrit.

Nicole, Clara et Delphine l'ont lu 

Citations
"Nous formions désormais un couple de solitaires, que seuls les agacements quotidiens semblaient unir"

"Le critique, en plus de cette fatigue, éprouve une lassitude spécifique, face aux piles de livres qui s'accumulent et à l'évocation de la foire aux vanités convoquée à chaque rentrée"

L'auteur
Colombe Boncenne est née en 1981. Elle commence à travailler dans l’édition et le domaine du livre en même temps qu’elle termine ses études de lettres, au début des années 2000. 
Depuis plusieurs années, elle participe également à l’organisation de manifestations littéraires. Sous le titre de conseillère artistique, elle participe  à l’éclectique programmation de la Maison de la poésie à Paris ainsi qu’à celle, annuelle, des Correspondances de Manosque.
"Comme neige" est son premier roman.




11eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo

2ème lecture parmi les vingt premiers romans sélectionnés en phase 1 des 68 premières fois


Catégorie COULEUR

vendredi 26 février 2016

Apocalypse bébé de Virginie Despentes lu par Nadège Piton.




Date de parution : août 2010 chez Grasset
Durée de l'audiolivre : 8h45


Prix Renaudot 2010

J'avais toujours hésité à lire Virginie Despentes, craignant son écriture trop trash mais la lecture de Vernon Subutex1 et Vernon Subutex2 ont levé mes réticences.

J'ai pris plaisir à retrouver dans Apocalypse bébé l'ambiance de Vernon Subutex et à découvrir plus en profondeur la Hyène, ce personnage haut en couleur, personnage central dans ce roman et secondaire dans Vernon.

Il s'agit d'une enquête policière pour retrouver Valentine, jeune ado en fugue. Deux détectives privées partent à sa recherche, Lucie, la narratrice, qui va s'adjoindre l'aide de la Hyène. 

Cette enquête va être le prétexte pour Virginie Despentes pour brosser, au travers des personnes qui ont connue Valentine et qui pourraient savoir où elle se trouve, une galerie de portraits de personnages souvent croqués au vitriol.
Le père de Valentine, écrivain sur le déclin, est particulièrement intéressant, pathétique à surveiller les ventes de ses livres et les critiques littéraires. 

Avec ce polar social qui nous mène des beaux quartiers parisiens à Barcelone, Virginie Despentes trouve l'occasion de dresser un tableau de la société actuelle. Tout y passe... les bourgeois, les pauvres, les musulmans, les arabes, le terrorisme, les relations familiales, les parents à la dérive, les ados délaissés et paumés , la société de consommation...

C'est très bien écrit et j'ai trouvé l'écriture très adaptée à une lecture audio.

J'ai aimé le "ton Despentes" avec des phrases dures, violentes, une plume acerbe et un  humour grinçant qui n'épargnent personne, j'ai aimé sa  fine observation des travers de notre société qu'elle dénonce sans concession.


Citations

"Les gens bien nés se reconnaissent à l'odeur et repèrent les intrus de cette façon." 

"Achète-toi tout ce que tu veux, ça ne remplira jamais le vide qui te dévore le cœur." 

"Dès qu'on passe la porte du lycée de Valentine, on est pris à la gorge par cette atmosphère caractéristique des petites usines à gosses. Un mélange d'ennui et de chahut." 


L'auteur
Virginie Despentes est romancière et réalisatrice française née en 1969. Elle est également ponctuellement parolière et traductrice.

Elle a fait tous les métiers : femme de ménage, hôtesse dans un salon de massage, pigiste pour des journaux rock et porno, vendeuse.

Sa chance tourne avec la publication de ses deux romans : Baise moi en 1993 et Les Chiennes savantes en 1995. Elle est traduite en plus de dix langues. En 1998, son roman "Les jolies choses"  reçoit le Prix de Flore et "Apocalypse bébé" reçoit le Prix Renaudot en 2010.
Elle est l'un des symboles de la littérature "trash" française.


Après des études en Histoire de l'Art et Anthropologie, Nadège Piton est devenue performeuse dans les registres du cabaret burlesque et de la satire politique. Elle se lance dans des performances vocales avec un compositeur et prête sa voix à des livres audio, des émissions d'Arte et des documentaires.

 
Lus du même auteur 



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mercredi 24 février 2016

La renverse d'Olivier Adam

 
Date de parution : janvier 2016 chez Flammarion
Nombre de pages :  266

Les dommages collatéraux d'un scandale politico-sexuel

Antoine, la trentaine, jeune homme solitaire et sombre, exerce la profession de libraire en Bretagne où il s'est réfugié dans une volonté d'oubli, de déni de son passé après avoir fui la ville de banlieue parisienne où il a grandi. Lui et son jeune frère Camille avaient alors rompu toutes relations avec leurs parents, il y a environ 10 ans

Lorsqu'il apprend par hasard à la radio la mort de Jean-François Laborde, ancien ministre et sénateur-maire de la ville où il a grandi, les personnages du passé resurgissent.

Il y a 10 ans, Jean-François Laborde a été impliqué dans un scandale politico-sexuel qui a fait la une de tous les médias, scandale à laquelle la mère d'Antoine, sa maitresse et adjointe aux affaires scolaires, a été étroitement mêlée. Tous deux ont été accusés de viol et d'agression sexuelle sur deux femmes. La position de Laborde au gouvernement comme ministre délégué a donné au scandale une dimension nationale. Antoine avait alors 17 ans.

La renverse est la période de durée variable séparant deux phases de marée (montante et ascendante) durant lequel le courant est nul. C'est la période pendant laquelle Antoine a trouvé refuge en Bretagne, sa parenthèse de vie de 10 ans entre le scandale et la mort de J.F. Laborde.

Antoine va se remémorer les faits qui ont bouleversé sa vie, de l'annonce du scandale au non lieu, il va essayer de comprendre ses réactions de l'époque, comprendre son manque de soutien à sa mère qu'il a condamnée d'emblée. C'est l'heure du doute ne l'a-t-il pas jugée trop vite, ne s'est il pas laissé influencer par Laetitia, la fille de Laborde, qui vouait une véritable haine envers son père? N'a-t-il pas épousé sa colère? Il va en venir à s'interroger sur lui même se demandant comment il a pu fuir.

Le personnage de Laborde semble être un mélange de quelques hommes politiques impliqués dans des scandales : Georges Tron (maire de Draveil où Olivier Adam a vécu...), DSK, Balkany, Dominique Baudis...

Avec ce roman Olivier Adam change de registre, "La renverse" est un livre plus politique que les précédents, il y décortique la politique locale et traite de l'impunité des hommes de pouvoir, de leur brutalité, de leur sentiment de se sentir au dessus des lois et montre qu'ils s'en sortent toujours. Il souligne l'influence des médias qui manipulent l'opinion publique prompte au revirement.  

Comme à son habitude, Olivier Adam excelle à décrire les univers, à planter les décors : l'atmosphère grise et médiocre de la banlieue de la petite ville où il a vécu avec sa famille, l'atmosphère apaisante du hameau breton où il a trouvé refuge au milieu des landes d'ajoncs et de bruyères, des thématiques qui lui sont chères.

Il brosse à merveille le portrait des parents d'Antoine et du couple qu'ils forment. Une famille où on ne se parle pas, en tout cas pas de l'essentiel et où on se connait si mal.  Camille et Antoine vivent cloitrés dans un silence assourdissant  à côté de parents conformistes "banalement réactionnaires et ordinairement racistes", silence qui va devenir encore plus insupportable quand le scandale va éclater.

Olivier Adam s'intéresse aux victimes collatérales de cette affaire qui vont ressentir de la honte, de l'humiliation face aux rumeurs, puis un véritable dégoût face aux manœuvres de Laborde et de la mère d'Antoine qui vont crier au complot puis se défendre en trainant dans la boue les deux plaignantes employées municipales, remettant en cause leur fiabilité du fait de leur statut de femmes fragiles, pauvres et immigrées de surcroît. 

Tous les personnages sont bien campés, le père est particulièrement intéressant. L'enfance d'Antoine, l'atmosphère familiale et ses liens avec son frère sont très bien décrits, les sentiments sont analysés avec précision et justesse.

Un livre sombre, comme toujours chez Olivier Adam, mais exempt des descriptions interminables et répétitives qui me gênent parfois chez lui
La question de  l'impunité des hommes politiques, de l'humiliation ressentie par l'entourage en particulier par les enfants et de la construction des liens familiaux pour "les enfants d'une génération seulement préoccupée d'elle-même", sont au cœur de ce livre captivant qui se lit comme un thriller. 

Les avis de Laure  et de Delphine

Citations
"Nous étions pareils à des milliers de familles. Nous cohabitions. Partagions le quotidien, nous répartissions les rôles et les tâches. Mais y avait-il quelque chose au-delà? Je ne connaissais pas mes parents."

"Tout le monde ne demandait qu'à absoudre le grand homme qui passe à la télévision et fraie avec les grands de ce monde, dont l'aura nationale rejaillissait sur la ville entière et lui donnait un peu de fierté, la distinguait de ses voisines pareilles et contiguës."
 
L'auteur
Olivier Adam, né en 1974, suit des études de gestion d'entreprises culturelles puis, après un "trou noir" de quelques années où il commence à écrire, il participe en 1999 à la création du festival littéraire "Les correspondances de Manosque".
Il publie son premier roman, "Je vais bien ne t'en fais pas" en 2000.
Il signe "Falaises" en 2005, sélectionné dans 13 prix littéraires sans obtenir aucune récompense et "À l'abri de rien" en 2007, favori du Prix Goncourt 2007.
Parallèlement, Olivier Adam écrit aussi plusieurs ouvrages pour la jeunesse, publiés pour la plupart à l'École des Loisirs. Il publie par ailleurs régulièrement des textes courts dans les revues littéraires et anime des ateliers d'écriture en milieu scolaire.
Pour le cinéma, il a participé à la co-scénarisation de certains de ses romans ("Je vais bien ne t'en fais pas", "Poids léger" et "Sous la pluie") et a co-signé les scénarios de "L'été indien", de "Maman est folle", de  "Welcome" et "Des vents contraires.
Depuis 2005, Olivier Adam vit  à Saint-Malo avec sa compagne, l'auteure de livres pour enfants Karine Reysset,où il partage son temps entre la littérature et le cinéma.

10eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo



Lus du même auteur 




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lundi 22 février 2016

L'autre Joseph de Kéthévane Davrichewy


Date de parution : janvier 2016 chez Sabine Wespieser
Nombre de pages : 280

Quand la grande Histoire et l'histoire familiale s'entremêlent

Kéthévane Davrichewy tient ici, avec cet arrière grand-père, un sujet fabuleux. Elle a choisi la forme romancée pour tenter d'approcher son histoire "Il n'y a plus personne pour répondre à mes questions, je ne peux qu'inventer les réponses et faire de sa vie un roman".
Elle nous livre un récit de famille pas comme les autres puisque Joseph, son arrière grand-père paternel, a grandi avec un autre Joseph qui deviendra Staline.

Elle part à la découverte de son ascendance paternelle bien trouble. En effet, son père n'a pratiquement jamais rencontré cet arrière grand-père qui reste un personnage ténébreux, mystérieux et qui a mené une existence rocambolesque.

Né à la fin du XIXe siècle, Joseph est le fils du préfet de Gori, un village au pied des montagnes du Caucase en Géorgie. Le futur Staline, surnommé à l'époque Sosso,  est le fils d'un cordonnier ivrogne et violent et d'une mère couturière qui travaille pour les parents de Joseph. Les deux jeunes garçons qui n'ont que quelques années d'écart, se côtoient quotidiennement, sont très vite rivaux d'autant plus qu'ils se ressemblent étrangement physiquement. Le bruit court que la mère de Sosso aurait eu une relation avec le père de Joseph. Pourraient-ils être demi-frères? Cette question traverse tout le livre.

Sosso quitte le village pour entrer au séminaire d'où il sera renvoyé, il s'engage alors dans la révolution, est emprisonné puis envoyé en Sibérie. Pendant ce temps, Joseph quitte le village pour le collège, va poursuivre ses études à Paris et revient en Géorgie où il devient chef de milice en lutte pour une Géorgie indépendante. "Moi, je voudrais simplement faire quelque chose pour la Géorgie, qu'on y vive mieux, qu'on nous laisse être géorgien"

C'est donc aux prémices de la révolution russe que nous convie l'auteur dans ce récit où l'on croise Kamenev, Trotski  et tant d'autres...Le roman nous apprend aussi beaucoup de la situation de la Géorgie au début du 20ème siècle.

Dans ce récit, l'auteur intercale des chapitres plus personnels qui interrogent le destin familial : "Serait-il entré dans les services secrets français sans la terreur que lui inspirait Sosso devenu Staline? Aurait-il fini ses jours loin de son pays natal s'il avait pu y revenir, sans être immédiatement sollicité par son ancien camarade de jeux, roi du Kremlin?" 
" Craignait-il Staline? Il est évident que la destinée de son camarade a forcément pesé sur toute sa vie. "

L'autre Joseph est un roman captivant sur les origines, sur la transmission familiale, les non-dits et sur les destins de deux hommes hors du commun. 

L'auteur a trouvé la bonne distance pour imaginer la vie de son arrière grand-père et ses relations avec le futur Staline, elle termine son ouvrage par de très belles pages sur son propre père décédé dix ans plus tôt, son père qui a dû se construire avec le passé de ce grand-père.
J'ai juste regretté qu'elle ait limité son récit à l'enfance et à la vie de jeunes adultes des deux Joseph, je brûlais d'envie d'en savoir plus sur la suite de leur vie.

Delphine et Jostein l'ont également lu


Citations
"Pour aimer sa patrie, il faut connaître son passé. Un homme qui ignore l'histoire de son pays est comme un arbre sans racines." 

"Joseph a été pilleur de banques, bandit, révolutionnaire dans le Caucase, puis pionnier de l'aviation, engagé pour la France en 1914, agent secret, ami ou amant de Marthe Richard."


L'auteur
Née à Paris en 1965 et d'origine géorgienne, Kéthévane Davrichewy a fait des études de lettres modernes, de théâtre et de cinéma et est devenue journaliste.
En 1995, elle rédige un recueil de contes géorgiens, histoires recueillies grâce aux souvenirs de ses grands-parents qui sont originaires de Géorgie.
Elle élabore aussi des scénarios de films et écrit des chansons. Elle travaille dans la presse jeunesse à L'école des loisirs.

En 2004, elle a publié son premier roman pour adultes, "Tout ira bien" aux éditions Arléa qui a inspiré un spectacle musical, "une histoire pour piano, voix et violoncelle" que l’auteur a interprété pendant deux ans aux côtés d’Alex Beaupain et de Valentine Duteil.

En 2010 elle publie "La mer noire" qui déjà puisait son inspiration dans ses origines géorgiennes puis "Les séparées" en 2010 et "Quatre murs" en 2014. 




9ème contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo

Catégorie PRENOM

samedi 20 février 2016

Les vieux fourneaux tome 1 Ceux qui restent de Lupano et Cauuet

Date de parution : avril 2014 chez Dargaud
Nombre de pages : 56
Scénario : Wilfrid Lupano
Dessins : Paul Caueet

Fauve d'Angoulême 2015 - Prix du public 

"Vous êtes la pire génération de l'histoire de l'humanité, et un malheur n'arrivant jamais seul, vous vivez hyper vieux!"

Qu'ils sont sympathiques ces 3 petits vieux, ces "vieux fourneaux" !!!

Trois amis de toujours, qui ont maintenant environ 70 ans, se retrouvent à l'occasion de la crémation de Lucette, la femme d'Antoine. 
Antoine est un ancien manutentionnaire syndicaliste, qui est prêt à foncer en Toscane pour réparer un "crime passionnel rétroactif" le lendemain de l'enterrement de sa femme.
Pierrot, quant à lui, sévit au sein d'un collectif  "Ni yeux , ni maître",  spécialisé dans le terrorisme situationnel...
Mimile vit en maison de retraite et va bientôt révéler, à l'occasion d'une baignade, un physique surprenant.  
Sophie, la petite fille d'Antoine et Lucette, très proche de Lucette, enceinte de 7 mois, a repris le petit théâtre itinérant "Le loup en slip" de sa grand-mère. Celle-ci avait préféré quitter les laboratoires Garan Servier pour créer du lien social avec son théâtre transporté de village en village dans une camionnette rouge. 

Les personnages sont forts en caractère, très attachants et pleins d'humour, ils échangent des dialogues truculents avec des répliques qui font mouche. Quelques exemples : 
Antoine à ses copains qui arrivent en retard la crémation de Lucette : "J'aurais du vous dire que c'était un apéro, vous seriez peut-être arrivés à l'heure."
Antoine : "J'aurai préféré le tuer à coups de pied, mais avec mon arthrite..."
Pierrot : "On fait partie de ces cons qui auront pas été fichus de se rabibocher avant le passage de la faucheuse."

Le dessin est simple sans jamais tomber dans la caricature et faisant très bien ressortir l'expressivité des personnages.

L'histoire véhicule la nostalgie du passé, représentée au fil du récit par des dessins en noir et blanc, et aborde les thèmes de la lutte des classes, du choc entre les générations. 
Le rythme, l'histoire, les dessins et les personnages en font un ensemble truculent!

mardi 16 février 2016

Rien où poser sa tête de Françoise Frenkel

Date de parution : octobre 2015 chez L'Arbalète Gallimard
Nombre de pages : 304

Survie d'une intellectuelle juive dans la France de Vichy

Patrick Modiano fait renaître ce livre mystérieux paru en 1945. Dans la préface, il explique que ce récit a été découvert par hasard chez Emmaus. C'est l'unique livre de Françoise Frenkel, publié en 1945, passé quasiment inaperçu et vite oublié. 

Écoutons Modiano : 
"Ce qui fait la singularité de "Rien où poser sa tête", c'est qu'on ne peut pas identifier son auteur de manière précise".
"Je préfère ne pas connaître le visage de Françoise Frenkel, ni les péripéties de sa vie après la guerre, ni la date de sa mort...Ainsi, son livre demeurera toujours pour moi la lettre d'une inconnue, oubliée poste restante depuis une éternité et que vous recevez par erreur, semble-t-il, mais qui vous était peut-être destinée".

Françoise Frenkel est juive polonaise, après ses années d'études de littérature à la Sorbonne, elle parvient à ouvrir en 1921, la première et unique librairie française à Berlin qui devient vite un espace à part où les clients et amis "trouvent l'oubli et le réconfort, où ils respirent librement". Cette librairie est toute sa vie et sa raison d'être. "Claude Anet, Henri Barbusse, Julien Benda, madame Colette, Debroka, Duhamel,  André Gide, Henri Hédenbergite, André Maurois, Philippe Soupault, Roger Martin du Gard vinrent rendre visite à la librairie", raconte-t-elle.

Elle va être le témoin de l'arrivée au pouvoir des nazis en 1933, témoin de la promulgation des lois raciales de Nuremberg en 1935 et du grand pogrom du 10 novembre 1938 qui a eu lieu dans toute l'Allemagne.
Ses activités de libraire sont de plus en plus menacées, ses achats d'ouvrages sous contrôle du "Service spécial de l'appréciation des livres à importer" dès 1935, certains journaux qu'elle vend sont saisis...
Sa vie quotidienne n'est guère plus facile, sous le regard de la "Surveillante" nazie de l'immeuble,

Elle ne quitte Berlin qu'en 1939 pour Paris et obtient un permis de séjour en France jusqu'à la fin des hostilités.
S'ensuit un périple qui va la mener de Paris qu'elle devra fuir pour Avignon, puis Vichy où elle assiste à l'arrivée des allemands puis Nice où elle se réfugie dans un hôtel, sorte "d'arche de Noé" où séjournent de multiples réfugiés de différents pays. C'est alors l'attente dans le désœuvrement, le rationnement, le marche noir et le troc mais aussi, après le recensement décrété par Vichy en 1942, le début des persécutions, des arrestations et des rafles en août 42.

Françoise Frenkel tente de passer en Suisse. Elle réussira à sa seconde tentative, en juin 1943, trouvant enfin un endroit "où poser sa tête".

On croise dans son récit des fonctionnaires obtus mais aussi des gens formidables comme ce couple de coiffeurs niçois, les Marius, qui la protègeront contre les rafles  et l'aideront à passer la frontière. 

Ce texte bouleversant, d'une extrême sobriété qui lui confère une grande force, constitue un formidable document sur les années noires et plonge le lecteur au cœur du quotidien à Berlin au moment de la montée du nazisme puis dans la France de l'Occupation. 
Un livre utile, écrit il y a 70 ans mais dont l'écriture apparait très moderne.


33ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015

lundi 15 février 2016

Citations du mois


J'ai toujours aimé noter des citations trouvées dans mes lectures, je recopie, je surligne en numérique...

J'ai décidé d'en faire apparaitre quelques unes dans ce blog sous forme d'un rendez-vous mensuel, le 15 de chaque mois.



"La droite française devrait penser avec sa tête plutôt qu'avec son Front."


"Quand vous êtes chômeur, c’est-à-dire mal nourri, ennuyé, 
assailli de tracas et de misères de toutes sortes, 
vous n'avez aucune envie de manger sainement. Ce qu'il vous faut, 
c'est quelque chose qui ait "un peu de goût". 
avant-propos de  George Orwell 


"Je promets je vais forcer mes mots pour qu'ils échappent 
au sirop de deuil un peu gluant, poème pompeux, 
élégie larmoyante; je vais inaugurer ton outre-vie
 avec une plume trempée dans ton regard 
quand il s'ouvrait grand : franc, droit, lumineux."
 Sophie Daull - Camille, mon envolée


"On vit comme des chiens, on crève comme des chiens", 
répond généralement Daniel et Olga secoue la tête : 
"Non. Les chiens ont des maîtres qui les pleurent" 
Virginie Despentes - Vernon Subutex2


"Il ne sert à rien d'être jeune sans être belle 
ni d'être belle sans être jeune. 
Les hommes mûrissent les femmes vieillissent."
Camille Laurens - Celle que vous croyez
 

samedi 13 février 2016

Les vies multiples de Jérémiah Reynolds de Christian Garcin


 
Date de parution : janvier 2016 chez Stock 
Nombre de pages : 160 

L'histoire d'un aventurier américain méconnu.

C'est l'histoire de Jérémiah Reynolds, un personnage bien réel (j'ai vérifié sur internet...). 
Jérémiah Reynolds a vécu de 1799 à 1858. Elevé en Pennsylvanie, il a eu une enfance pauvre et était méprisé et moqué pendant sa jeunesse. Il deviendra journaliste, explorateur, chasseur de baleine puis avocat.

Débrouillard et ambitieux, il s'associe à l'âge de 24 ans avec Symmes, défenseur de la "théorie de la terre creuse", soit de l'existence d'un monde souterrain à l'intérieur de la terre auquel on peut accéder par de gigantesques ouvertures situées aux pôles. "Un monde habitable, voire habité".

En 1829 il monte une expédition au pôle sud et sera le premier humain à poser le pied sur le continent antarctique. Une expédition qui n'aura pas été de tout repos avec naufrages et mutineries...

C'est un personnage friand d'aventures, enthousiaste mais qui cherche aussi toutes les occasions de s'enrichir. Un personnage peu sympathique...

Edgar Poe écrira un roman s'inspirant d'un épisode de sa vie et Herman Melville rédigera une fiction inspirée de son histoire. Malgré tout, Jérémiah Reynolds est resté complètement méconnu.

Christian Garcin reprend des passages du roman qu'a écrit Jérémiah Reynolds où il raconte ses aventures avec beaucoup de lyrisme notamment son éblouissement quand ils découvrent pour la première fois les icebergs polaires.
Dans son récit il séquence la vie de Jérémiah Reynolds en petits chapitres de façon très linéaire et chronologique, linéarité simplement coupée de deux interludes.

C'est un ouvrage très documenté, Christian Garcin fait référence à de nombreux ouvrages et de multiples personnages, trop à mon goût car j'ai trouvé que cela alourdissait énormément la lecture. 
Au final, j'ai trouvé la lecture de cet ouvrage assez pénible et n'ai pas réussi à m'accrocher vraiment à cette histoire. Dommage car le sujet était intéressant et le personnage de Jérémy Reynolds très riche. Un rendez-vous manqué...


Citation
"Il se disait qu'il n'y avait eu que deux périodes de sa vie qui l'avaient vraiment exalté, et elles étaient liées aux deux chimères qu'il avait poursuivies, ou qu'il aurait voulu poursuivre : la Terre creuse de Symmes et le cachalot blanc de Lewis."


L'auteur
Christian Garcin, né en 1959, a exercé divers emplois et a beaucoup voyagé.

Son premier texte parait en 1992, suivront ensuite des romans, des nouvelles, des poèmes, des essais sur la peinture et la littérature , et quelques livres inclassables (lexiques, fictions biographiques, autographies).




8eme contribution au Challenge Rentrée Hiver 2016 organisé par Laure de MicMelo