mardi 25 octobre 2016

Lucky Vincenzo de Gilbert Spica et Jean-Pierre Vors



Date de parution : juin 2013 aux Editions Baudelaire
Nombre de pages :236

Ce roman n'est pas un roman historique mais une très belle histoire humaine.

Gilbert Spica a recueilli les souvenirs de son grand père Vincenzo Caschera et c'est trente ans après la mort de ce dernier qu'avec son ami Jean-Pierre Vors il est parvenu à tenir la promesse qu'il lui avait faite d'un jour raconter sa vie. L'un et l'autre ont multiplié les recherches pour vérifier l'authenticité des faits racontés par Vincenzo.
L'histoire est racontée à la première personne, les auteurs se mettent dans la peau de Vincenzo pour mettre en lumière le destin bien peu commun de cet homme.


Quatrième enfant d'une fratrie de 8 enfants, Vincenzo nait en 1909 dans une famille de paysans pauvres dans un village de montagne, à 140 kms de Naples. Sa vie commence de façon peu banale car il manque de mourir dans un tremblement de terre, à peine âgé de quelques jours.

La famille est pauvre mais tous mangent à leur faim, la famille est unie, les parents aimants et Vincenzo est élevé « dans une ambiance religieuse pimentée de contes fantastiques ». 

Vincenzo passe son enfance à participer aux travaux de la ferme, à labourer les terres avec un âne, à aller chercher du bois dans la montagne à pied avec son meilleur copain Rogoutch, son inséparable compagnon de route pour de nombreuses années. Il va acquérir avec ces marches une endurance physique qui va lui être bien utile par la suite.
A cette époque, dans cette région, les enfants ne vont pas à l'école, Vincenzo est donc analphabète et s’exprime en dialecte. «Je ne savais ni lire ni écrire mais cela ne m’empêchait pas de vivre». Les auteurs nous plongent dans cette vie simple faite de travaux physiques, de grandes tablées familiales où le vin coule à flot au cours de repas de famille bien arrosés et de belles veillées…

Puis ce sera l'adolescence et l'entrée dans la vie adulte avec le travail à la tâche dans des usines et des fermes avoisinantes pour contribuer aux besoins de la famille, des travaux de plus en plus difficiles à trouver qui conduiront les deux amis, maintenant mariés et pères de famille, à s'engager volontaires dans l’armée italienne en 1936 pour envoyer leur solde à leurs épouses. 
Nous sommes dans l'Italie fasciste et la propagande de Mussolini sévit…
Ils partent enthousiastes en Éthiopie, alors colonie italienne. Un peu naïfs, ils imaginent partir pour le maintien de l'ordre dans un pays où la guerre est finie. Responsables des mules, chargés du ravitaillement, ils vont être plongés dans l'horreur de la guerre et être témoins d'exécutions de prisonniers et de massacres de villageois. Un terrible baptême du feu...

Après l’Éthiopie, Vincenzo participera à la mission de protection de la concession internationale de Shangai en plein conflit Chine-Japon, un engagement plus alimentaire qu'idéologique, sa solde étant doublée par le fait de l'éloignement.

En 1942, c'est le Front russe qui l'attend. Il y sera chargé de l'approvisionnement des mortiers. C'est alors la mort maintes fois frôlée, les camarades qui tombent sous ses yeux, la peur au ventre, les terribles hivers russes face auxquels leurs malheureuses vestes fourrées sont bien dérisoires...« Nous n’étions pas des héros, seul comptait pour nous notre survie et de revoir notre pays.»

Il parvient à  regagner l'Italie après une retraite de plus de 1000 kms à pied en un mois. Vincenzo "Le chanceux - Lucky" est revenu vivant de cet enfer !
Après deux années où la guerre ravage la région et où la faim le tenaillera, il partira en 1946  avec sa famille pour s'installer en France.

Il n'y a aucune complaisance dans ce récit, les auteurs n'occultent pas le fait que Luciano soit tombé, avec le reste de sa famille, sous le charme de Mussolini qui promettait de donner des terres aux paysans. C'était une époque où l'adhésion au parti fasciste permettait de bénéficier de certaines facilités...

L'écriture fluide et précise rend la lecture de ce roman très agréable. Ce récit se lit vraiment d’une traite. L'écriture est très visuelle et j'ai pas été étonnée d'apprendre qu'une adaptation cinématographique de ce texte soit prévue.

Le héros est extrêmement sympathique, c'est un travailleur qui a exercé de multiples petits métiers pour subvenir aux besoins de sa famille, de chiffonnier à fabricant de cigarettes, un personnage au caractère bien trempé dont l'impétuosité a pu lui valoir de brefs séjours en prison.
Un personnage auquel on  s'attache très vite, un homme simple qui a participé à des  événements historiques majeurs. Un homme qui a fait la plupart de ses choix indépendamment des tendances du moment, un humaniste, un homme de tribu qui partage le peu qu'il a, un homme profondément optimiste qui a la foi en un avenir meilleur malgré les épreuves vécues. Un homme dont les messages sont toujours d'actualité!

Une vie incroyable qui tient du roman et un très bel hommage d'un petit-fils à son grand-père. 
En bref,  l'histoire extraordinaire d'un grand-père ordinaire.



Les auteurs



Petit-fils du héros de ce livre, Gilbert Spica a recueilli très tôt les souvenirs de la vie de son grand-père  pour en faire un jour le récit.



Jean-Pierre Vors, ami de Gilbert Spica, a également des attaches avec l'Italie puisqu'une partie de sa famille est originaire du Latium. Il s'est pris d'affection pour ce grand-père aux aventures extraordinaires et s'est montré enthousiaste à l'idée d'en écrire un livre.

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