Date de parution : mars 2022 aux éditions de l'Olivier
Nombre de pages : 198
Le narrateur a du mal à prendre des décisions ainsi, un jour, sans l'avoir vraiment décidé, se retrouve-t-il amené à acheter un petit poisson combattant blanc et mou qu'il observait dans un magasin. Il va le dénommer Cookie. Le jeune homme est un solitaire qui travaille chez lui, dans un intérieur qui ne contient que des livres. Il aime lire à voix haute et a la surprise de constater que Cookie se montre attentif à sa lecture de Baudelaire, collé à la vitre de son aquarium, tourné vers lui, "béat et concentré". Cookie a des goûts exclusivement littéraires, des tests de lecture de la notice du chauffe-eau ou de guides touristiques sont des échecs, Cookie n'y prête aucune attention.
Le quotidien routinier du jeune homme se trouve complètement bouleversé par cet intérêt de Cookie pour la littérature.
C'est l'histoire en trois actes d'une sorte d'amitié entre un poisson poète et un homme très émouvant, un solitaire qui fuit les responsabilités et se qualifie lui-même de cadavre. " Ce qui me distinguait d'un mort, c'étaient les yeux : je parvenais encore à les conserver ouverts. Performance qui ne les empêchaient pas d'être vides." Recroquevillé dans sa routine qui lui évite de penser, il ne trouve que les cloches de l'église voisine pour égayer son quotidien monotone, un mariage et le voilà qui s'habille élégamment pour se mêler à la foule des invités sur le parvis, un enterrement et le voilà qui se précipite pour se mêler à la tristesse ambiante, ce sont les seuls moments où il manifeste une émotion... Pour satisfaire la passion de son psy pour le passé, il s'invente un passé peuplé de petites névroses affectives que le psy décortique avec enthousiasme sans soupçonner que le seul objectif de son patient est d'obtenir l'ordonnance pour les comprimés blancs qui l'aident à se sentir mieux. Au fil des jours, un drôle de lien se crée entre Cookie qui tourne en rond, seul dans son aquarium carré, et le narrateur qui tourne aussi en rond dans son cinquante mètres carrés.
Derrière un humour omniprésent et avec un indéniable sens de la formule, un peu à la Raymond Devos parfois, Eric Metzger nous livre des réflexions sur la solitude, l'amour, le travail, le sens de la vie et la mort. Ce roman est aussi une ode à la littérature, le nombre de références littéraires citées est impressionnant.
Un roman à part, d'une grande originalité, un titre surprenant qui fait référence au fleuve de l'oubli dans la mythologie grecque, une belle écriture, une ambiance douce-amère, une façon très délicate et pudique de nous révéler le drame qui a détruit cet homme, une façon délicieuse de prendre de temps en temps le lecteur à témoin. Une lecture plus profonde qu'elle n'y parait au premier abord. Inventif, drôle, décalé et émouvant. Une très belle découverte.
Ce roman fait partie de la première sélection du prix Orange du Livre 2022
Citations
" Ses cils applaudirent de déception."
" Etre fou est aussi sain que le sain est fou de l'être... Au fond pour être déséquilibré, il faut d'abord trouver un équilibre, ce qui tend à affirmer que c'est l'équilibre qui provoque le déséquilibre, on n'en sort plus."
" Les rêves s'amusaient à me torturer parfois, et c'est très difficile de fermer les yeux dans un rêve, surtout que pour s'en échapper il faut les ouvrir. A l'inverse, éveillé, il faut les fermer si on ne veut pas voir la réalité. Pas évident, n'est-ce pas ? "
L'auteur
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