Date de parution : 19 aout 2022 au Seuil
Nombre de pages : 256
Entre 1942 et 1944, des milliers d'enfants juifs, rendus orphelins par la déportation de leurs parents, ont été séquestrés par le gouvernement de Vichy. Maintenus dans un sort indécis, leurs noms transmis aux préfectures, ils étaient à la merci des prochaines rafles.
Parmi eux, des petites filles de trois à treize ans, Mireille, Jacqueline, Henriette, Andrée, Jeanne et Rose sont menées de camps d'internement en foyers d'accueil, de Beaune-la Rolande à Paris. Mireille, Jacqueline et Henriette Korman sont trois cousines du père de Cloé Korman qu'elle n'a pas pu connaître puis qu'elles ont été assassinées. Andrée, Jeanne et Rose Kaminsky sont les amies de ces cousines. A partir de leur première nuit en prison, elles se dénomment les "presque sœurs" et restent ensemble toutes les six. Jusqu'à ce qu'Henriette la plus jeune soit placée dans un foyer pour les plus petits.
Un groupe de six petites filles qui se perdent, se quittent sans arrêt alors que leurs parents ont disparu " elles se recomposent en groupes successifs qui s'égarent et se dispersent à nouveau, dans des lieux vidés de leur usage normal et dont on peut les retirer d'un jour à l'autre."
Cloé Korman a reconstitué cette histoire à partir des souvenirs des survivantes, les sœurs Kaminsky. Pour son enquête elle est retournée à Montargis sur les lieux où les parents ont été arrêtés le 14 juillet 1942 alors que leurs filles étaient emmenées par la police pour être placées. Quelques lettres de l'aînée à sa famille d'accueil et de rares photos ont permis à Cloé Korman de reconstituer leur histoire, elle a mis à contribution sa belle imagination de romancière pour combler les vides et peupler cette enfance "abandonnée du monde et de la parole".
Une histoire poignante qui met en lumière ce que ces petites filles ont vécu pendant la guerre, les unes arrêtées chez leur famille d'accueil, les autres dans la cour de récréation de leur école, internées dans des lieux sans jeux, sans adultes responsables pour s'occuper d'elles. Fichées, ballotées mais scolarisées, nourries, soignées et entretenues dans l'espoir de retrouvailles avec leurs parents. Elles peuvent aller et venir chez des proches, des amis de la famille peuvent les accueillir à condition de s'engager à les restituer en fin de journée dans leurs foyers. Certains les gardent ou en les laissent s'échapper au péril de leur propre vie.
Menacées de représailles sur leurs camarades si elles s'échappent, à la merci de faire partie des rafles régulières d'enfants pour compléter les wagons d'adultes, elles peuvent être retirées des foyers du jour au lendemain pour être placées dans d'autres foyers ou pour disparaître complètement.
Quelques personnes égaient un peu leur vie, une infirmière leur apporte des crèmes au chocolat, une autre chante pour adoucir leur vie, d'autres accomplissent des actes héroïques pour faire sortir des enfants et les envoyer chez des nourrices clandestines à la campagne.
Une écriture très soignée sans jamais tomber dans l'ostentation, une histoire sans aucun pathos et magnifiquement romancée pour reconstituer sept mois de vie des presque sœurs de leur arrestation à Montargis jusqu'aux séparations irréversibles à Paris. J'ai beaucoup appris sur le sort réservé aux enfants juifs par la France de Vichy, c'est une histoire sombre que Cloé Korman parvient à éclairer en mettant en lumière la complicité et la solidarité entre les six petites filles.
L'auteure
Cloé Korman est née en 1983 à Paris. Son premier roman, "Les hommes-couleurs" a été récompensé par le prix du Livre Inter et le prix Valéry-Larbaud. En 2013, elle a publié, toujours au Seuil, "Les saisons de Louveplaine" puis "Midi" en 2018 et "Tu ressembles à une juive" en 2020. (Source : éditeur).
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