Date de parution :août 2015 chez Fayard
Nombre de pages : 264
Une quête intime sur les traces d'une famille
"Appartenir" raconte l’histoire d’une jeune femme en quête de ses
origines.
Séverine Werba nous raconte comment, arrivée à un stade de sa vie personnelle où elle a besoin "d'être au clair avec elle même et avec ce qu'elle va transmettre", elle est partie à la recherche de l'histoire de son grand-père.
Ce grand-père Boris qu'elle adorait, né en 1906 et mort lorsqu'elle avait 17 ans, "cohabitait avec des fantômes, avec des morts sans sépulture" mais n'a jamais parlé à sa famille, de son enfance, de sa vie d'avant, enfermé "dans un chagrin mutique".
Devenue adulte, mère de deux jeunes enfants, Séverine Werba en veut à son grand père d'avoir verrouillé la porte de son passé comme elle s'en veut à elle même de ne pas lui avoir posé de questions.
Pour mener à bien cette enquête elle quitte son travail et se consacre exclusivement à cette recherche pendant un an.
Cette quête va commencer pour elle par sa conversion puis par des recherches à la bibliothèque à laquelle elle a donné tous les livres de son grand-père 20 ans plus tôt puis par des recherches auprès d'institutions juives. Elle parle d’obsession, de mission...
Son grand père a quitté l'Ukraine à l'âge de 18 ans pour l'Allemagne en laissant sa famille derrière lui, famille qu'il ne
reverra jamais. Cette histoire fait largement écho pour moi à celle de Mendel dans "L'exercice de la médecine" de Laurent Seksik qui a eu un parcours et un destin
similaires de la Russie à l'Allemagne puis Paris.
Ses recherches la mènent aux Archives de Paris et à la rafle du Vel d'Iv sur les traces de Rosa, une des sœurs de son grand père et de sa petite fille Léna tout juste âgée de 2 ans, toutes deux déportées en 1942. Elle éprouve le besoin viscéral d'imaginer en détail les derniers moments de Rosa et de Léna, le besoin de les nommer, de les tirer du néant, de leur redonner une existence...
Son enquête va la mener jusqu'à Torczyn, le village
dont Boris était originaire, en Ukraine, dans les lieux où ont vécu ses arrières grands-parents. On espère avec elle une rencontre qui la fasse avancer.
Revenir sur ces lieux où 26758 personnes ont été exécutées au bord de fosses, est une épreuve terrible pour elle. Elle parcourt le "chemin des larmes" qu'empruntaient hommes, femmes et enfants vers la fosse. Ces fosses que tout le monde ignorent aujourd'hui dans ce pays où non seulement personne n'honore la mémoire de ceux qui ont été exterminés, mais où chacun se ment sur ce passé trop encombrant.
Sergueï, sorte de gardien de la mémoire, qui la guide ne peut lui montrer qu'une petite stèle, érigée pour témoigner de ce génocide, au milieu de champs où des camions déversent des betteraves..."
Rien dans le présent ne parle du passé".
Séverine Werba nous parle à la fois de son enquête mais aussi de ses motivations, de son cheminement, de ses multiples émotions.
Elle explique son besoin d'arracher à l'oubli ces êtres et sa sensation de les porter désormais même si elle n’en a retrouvé qu’un prénom ou une date de
naissance. «Penser à eux ne me rend pas triste. Penser à eux me fait du bien parce qu’ils existent une seconde fois».
Ce premier roman est bien écrit, constitué de phrases courtes qui instaurent un rythme haletant comme pour traduire sa recherche. Le titre de ce récit fort, émouvant et marquant est particulièrement bien choisi car il traite merveilleusement bien de la question de l’appartenance, de l'identité.
Citations
"Sans la connaître, son histoire me précède. Sans la connaître, elle me revient."
Citations
"Sans la connaître, son histoire me précède. Sans la connaître, elle me revient."
" Je témoigne d'un non-témoignage, je témoigne d'un silence, d'un trou laissé par la souffrance. Je témoigne d'une amputation. Je n'ai rien vu de mes yeux, je n'ai pas connu ceux qui sont morts et pourtant ils m'importent. Et pourtant je les cherche."
L'auteur
c'est un des livres que j'ai beaucoup apprécié aussi de cette rentrée!
RépondreSupprimerUn très beau premier roman en effet...
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