vendredi 4 décembre 2015

Camille, mon envolée de Sophie Daull

 

Date de parution : août 2015 aux Editions Philippe Rey
Nombre de pages : 192

Sophie Daull nous raconte la disparition tragique de sa fille Camille âgée de 16 ans, à la veille de Noël.
Son récit prend la forme d'une lettre adressée à Camille, récit commencé 4 jours après sa mort pour être achevé 4 mois plus tard. Elle raconte à Camille, "son chaton", ses derniers jours jusqu'à son enterrement.
Elle dit avoir voulu écrire tout de suite avant que "Les images, les paroles ne se diluent, ne se modifient " et écrit "Continuons, avant que tout s’évanouisse", "Les particules fines de l'oubli envahissent déjà les détails".
Elle veut écrire aussi  pour ne pas se séparer complètement de sa fille, "Écrire, c'est te prolonger". 

Tout commence par des maux de tête, une fièvre à 38° le soir du jeudi 19 décembre 2013 en rentrant du théâtre. L'état de Camille allant en empirant les médecins sont appelés et diagnostiquent la grippe, suivent alors 3-4 jours de forte fièvre et de terribles douleurs.
Sophie Daull, qui ne quitte pas sa fille, nous dépeint une Camille courageuse et combative qui souffre énormément mais ne se plaint pas, ne pleure pas.

Sophie Daull nous décrit tous les sentiments par lesquels elle passe avec le papa, la panique devant les médecins qui ne prennent pas le mesure du problème et leur délivrent simplement une ordonnance de Doliprane, "les éclairs aveuglants d'intuitions morbides" qui la traversent, le besoin d'une explication,  de savoir s'ils ont commis une erreur.
Ce seront ensuite les  remords, la culpabilité, l' hyperactivité pour ne pas sombrer, la préparation de la cérémonie le soir du réveillon et les jours suivants, les mauvaises pensées, la hantise de ne jamais connaître la cause de sa mort, l'effort surhumain qu'il lui faudra faire pour remonter sur scène un mois plus tard.

Elle souligne "L'incongruité des frigos pleins, de l'opulence" en cette période de fêtes, évoque les soirées arrosées avec les amis pour tenir debout, l' "effet -baume " des moments passés auprès de leurs amis et des amies de Camille.
L'autopsie révélera que Camille a été victime d'une bactérie, un méningocoque,elle aurait pu être sauvée avec de simples antibiotiques. "La violence contre le corps médical qui aurait pu déclencher des procès... Ce sont des sentiments qui m'auraient salie, qui m'auraient enlaidie. J'étais déjà suffisamment abîmée par la mort de Camille. Je ne voulais pas ajouter de la haine au chagrin."

Elle ne se départit jamais d'une certaine dérision, d'un certain humour en relatant des moments cocasses, le fou rire nerveux aux pompes funèbres...
De façon très pudique, est évoquée en une simple phrase sa propre mère violée et  assassinée lorsqu'elle avait 20 ans.
Elle parle de sa vie dans les mois qui ont suivi le drame comme d'une "vie mimée", une sorte de dédoublement qui lui permet de ne pas mourir à la suite de sa fille; elle parle de son insistance pour qu'on  continue à nommer sa fille par son prénom, sa mort par son nom également, qu'on évite les euphémismes.

Dans ce bouleversant hommage à sa fille, elle nous laisse imaginer qui était Camille, une ado comme les autres, qui se gave de chips-coca et chante à tue-tête dans l'appartement...
 
L'auteur présente ce récit non comme un travail de deuil mais comme un devoir de fidélité.
Ce témoignage est véritablement poignant, courageux, sincère, sobre, très digne et superbement écrit,  Sophie Daull, dont c'est le premier roman, possède un talent littéraire certain. 
C'est un superbe exemple de résilience de cette mère qui décide de vivre dorénavant trois vies : la sienne, celle de Camille et celle de sa mère disparue tragiquement 29 ans plus tôt.


 Citations
"Je voulais écrire vite, jusqu'à ta mort, ton dernier souffle ; puis, allez, faisons durer jusqu'à ton enterrement, et puis voilà, ça ne s'arrête pas, ça ne s'arrêtera jamais - toi disparue n'a pas de fin".

"Une autre chose : nous n'avons pas de nom. Nous ne sommes ni veufs ni orphelins. Il n'existe pas de mots pour désigner celui ou celle qui a perdu son enfant". 


L'auteur


 Sophie Daull est née dans l'Est de la France. Comédienne, elle vit à Montreuil et travaille partout.

"Camille, mon envolée" est son premier roman.




21ème contribution au Challenge 1% Rentrée Littéraire 2015





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