Date de parution : août 2018 aux Editions de l'Iconoclaste
Nombre de pages : 304
C'est un récit autobiographique que nous livre ici Jean-Baptiste Naudet. Robert, le fiancé de sa mère Danielle est mort en Algérie en 1960 trois mois avant son retour, à l'âge de vingt ans. La date du mariage de Robert et Danielle était fixée... Vingt ans plus tard, mariée avec Gilles, le meilleur ami de Robert, mère de trois enfants, Danielle sombre dans la dépression et la folie. Personne ne sait pourquoi, Gilles ne comprend rien, Jean-Baptiste adolescent est désespéré de voir sa mère dans cet état....
Jean-Baptiste va devenir grand reporter de guerre et côtoyer la mort dans différentes zones de guerre en Afghanistan, en Bosnie, au Kosovo... Victime de stress post-traumatique il recherche les origines de son cheminement et réalise qu'il s'est inconsciemment identifié à Robert dont il a longtemps ignoré l'histoire. Il va alors reconstituer l'histoire de Robert et prendre connaissance des lettres que les deux fiancés ont échangées de février à juin 1960, date de la mort au combat de Robert en Kabylie. Des lettres dans lesquelles Robert confie tout à Danielle, le départ la fleur au fusil, le voyage en bateau à partir de Marseille, l'arrivée en Algérie, la première attaque, les opérations de "nettoyage", les soldats qui perdent les pédales, les exactions commises de part et d'autre, la torture dans cette "pacification " aux allures d'extermination... Des lettres dans lesquelles transparaissent l'amour de ces deux jeunes gens et leur confiance en leur avenir commun.
" La guerre, ce n'est pas seulement la "drogue du combat",
cette addiction aux sensations fortes,
cette soif d'action qui l'emporte sur la peur,
ce concours idiot de machisme.
C'est surtout une irremplaçable intensité des rapports humains,
portés à leur incandescence."
Les histoires de Robert, Danielle et Jean-Baptiste sont entrelacées tout au long de ce récit très puissant. Jean-Baptiste nous apporte son regard particulièrement affûté de reporter de guerre pour nous immerger dans les horreurs des conflits avec des scènes très réalistes, très dures. Il nous fait ressentir la peur que le soldat a de prendre goût à la violence, de se laisser griser par les salves des mitraillettes. La crainte de se durcir, de se laisser séduire par le côté cow-boys de la guerre est la même pour Robert et pour lui, le combat qu'ils livrent contre eux-mêmes pour ne pas devenir des monstres est identique. Le contraste est saisissant entre les passages sur les combats et les très belles lettres d'amour de Robert et de Danielle dont l'auteur a eu la bonne idée de parsemer son récit. Ce roman empreint de rage donne une impression d'urgence, il évoque des destins tragiques, il raconte le lourd héritage pour Jean-Baptiste qu'aura été l'histoire de sa mère, le poids qu'aura été pour lui ce secret de famille. Il est aussi beaucoup question de culpabilité dans ce récit, culpabilité de Danielle envers le peuple algérien, culpabilité de Gilles envers son ami...
Ce roman est une sorte de cri qui, je l'espère, permettra à l'auteur d'accéder à la résilience, de se délivrer de ce passé qui l'obsède. J'ai eu l'occasion de l'entendre parler de son livre à Nancy et ai été impressionnée par l'émotion qui l'étreint encore quand il parle de son histoire familiale.
Citations
" Ce qui est triste et grave, c'est la facilité déconcertante que l'on a de vivre, de s'installer dans la guerre."
" Ce qui était héroïque c'était de vivre au sein de cette guerre sans haine pour les hommes que l'on t'avait désignés comme ennemis."
" Ce qui tue l'homme, c'et l'ennui, la guerre vous tue parfois mais vous ennuie rarement."
L'auteur
Grand reporter au service international de l'Obs après avoir été journaliste au Monde, Jean-Baptiste Naudet a couvert une dizaine de conflits, de la Yougoslavie à la Tchétchénie, de l'Irak à l'Afghanistan. Spécialiste de l'Europe de l'Est, des Balkans et du Caucase, il a été correspondant à Bucarest, Zagreb et Moscou. Il est diplômé en lettres de la Sorbonne, de l'Ecole supérieure de journalisme de Lille et en relations internationales de Sciences Po Paris. " La blessure" est son premier roman. (Sources : Éditeur)
J'ai aussi eu l'occasion de l'entendre parler de son roman et de son histoire à la présentation de son éditeur à la rentrée et j'avais été bouleversée...! Je le lirai un jour, c'est certain !
RépondreSupprimerUne personnalité à fleur de peau... Ne le laisse pas trop dormir au fin fond de ta Pal celui-là !!!
Supprimervraiment contente que tu l'aies aimé, c'est un gros coup de coeur pour moi!
RépondreSupprimerIl est très fort, j'ai frôlé le coup de cœur, un petit détail m'a empêchée d'aller jusque là...
SupprimerJe trouve vraiment dommage qu'on ne parle pas de ce titre dans la presse, il mérite d'être lu par beaucoup...