Date de parution : octobre 2020 au Seuil
Nombre de pages : 336
Vera, Raphaël, Nina et Guili forment une famille singulière. Vera qui fête aujourd'hui ses quatre-vingt-dix ans au kibboutz a eu deux hommes dans sa vie. D'abord Milosz, le père de sa fille, exécuté comme espion stalinien. Vera, elle-même condamnée à trois ans de travaux forcés sur l'île-goulag de Goli Otok par la police secrète de Tito, a alors abandonné Nina, leur fille de six ans et demi. Des années plus tard elle a épousé un veuf, le père de Raphaël qui était alors âgé de seize ans. Nina et Raphaël ont eu une petite fille Guili mais Nina est partie laissant derrière elle sa petite fille de trois ans. Vera a été une mère pour Raphaël puis pour Guili après le départ de Nina, une mère pour ces deux personnes alors qu'elle-même n'a pas élevé sa fille.
Le jour du quatre-vingt-dixième anniversaire de Véra Nina demande que tous les quatre se rendent ensemble à l'île de Goli Otok pour que Raphaël et Guili filment Vera en train de lui raconter son histoire. Nina a attendu ça toute sa vie car Vera ne leur a raconté qu'une partie de ce qu'elle a vécu. Raphaël a été longtemps metteur en scène avant de devenir travailleur social auprès d'adolescents, Guili, maintenant âgée de près de quarante ans, est scripte et a été formée par son père. Leur périple va les mener à Cakovec, la ville natale de Vera en Croatie. Guili prend des notes pendant que son père filme, elle note ce qu'il filme, ce qui se passe autour d'eux, elle note les détails les plus infimes et "le non-dit et l'invisible"
Vera est une femme intransigeante "dure comme l'acier". Nina déborde de haine envers sa mère car elle n'a jamais compris pourquoi elle l'avait abandonnée, elle a toujours eu un visage dépourvu d'expression, un visage de sphinx qui ne l'a plus quitté depuis ses six ans et demi. Depuis l'adolescence Raphaël éprouve un amour absolu pour Nina, les liens qui les unissent sont restés forts et profonds malgré les multiples fuites de Nina à l'étranger. Quant à Guili elle se refuse à son compagnon l'enfant qu'il désire. Quatre personnages en souffrance...
Ce roman monte en intensité quand le voyage des quatre personnages commence et surtout quand on comprend l'objectif de Nina en proposant ce retour vers le passé de Vera, je préfère ne pas le dévoiler car les raisons de Nina ajoutent une belle dose d'émotion à cette histoire. La famille va savoir ce qui a détruit la vie de Vera, savoir ce qui s'est passé au goulag qui a eu de terribles répercussions sur ses descendants avec l'abandon de sa fille qui a ensuite elle aussi abandonné sa propre fille qui maintenant se refuse à devenir mère. Ce roman fait découvrir l'horreur des goulags de Tito mais il explore aussi les rapports mère-fille, la transmission, l'engagement, le pardon et se termine sur une jolie note d'espoir. J'ai aimé cette idée de voyage à quatre, de confession devant la caméra tenue par Raphaël ou parfois Guili, de notes prises en continu par Guili qui consigne tout ce qui apparaît et ce qui n'apparaît pas dans les scènes.
Au fil d'un récit puissant, dense, parfois ardu, grave mais parsemé de touches légères, on voit subtilement évoluer les relations entre les quatre personnages qui tâtonnent en quête du point où ils pourront se retrouver. Ce roman est d'autant plus bouleversant que David Grossman s'est inspiré de la vie d'une croate juive, Eva Panic Nahir, dont il a romancé l'histoire.
L'auteur
David Grossman, né à Jérusalem en 1954 est considéré comme l'écrivain israélien le plus doué de sa génération. Il est l'auteur de plusieurs romans, d'un recueil d'articles, Chroniques d'une paix différée, et d’une dizaine de livres pour la jeunesse. Traduits dans plus de vingt langues, ces ouvrages ont été distingués par de nombreux prix. David Grossman vit à Jérusalem. (Source : éditeur)
Il a fallu que je relise deux fois la première partie de ta chronique pour comprendre les différents abandons. En effet, une famille avec un passé qui pèse des tonnes. Dans le même genre, je viens de terminer "Elle venait de Marioupol"
RépondreSupprimerLes liens entre cette famille que je qualifie de singulière sont assez compliqués, j'ai eu du mal à les expliquer, je ne suis pas étonnée que tu aie eu besoin de relire le début de ma chronique... L'éditeur a trouvé la parade sur sa quatrième de couverture, il parle d'un voyage à trois en faisant abstraction de Raphaël !
SupprimerJ'ai un très bon souvenir de son roman Le cheval entre dans un bar, je ne savais pas qu'il publiait un nouveau livre en cet automne. Merci pour cet article qui me permet de noter le roman.
RépondreSupprimerJe ne connaissais pas cet auteur et je suis ravie de l'avoir découvert avec ce roman.
Supprimerje note ce titre, le roman a l'air très beau !
RépondreSupprimerDavid Grossman semble avoir beaucoup de fans parmi les blogeuses, pour ma part je ne le connaissais pas...
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