mardi 16 août 2022

Mon acrobate de Cécile Pivot

 


Date de parution : 17 aout 2022 chez Calmann Levy
Nombre de pages : 304

Izia regarde son mari quitter l'appartement où ils ont élevé leur fille Zoé, renversée par un chauffard quelques mois auparavant. Izia est soulagée de rester seule avec son chagrin, libre de s'enfermer dans la chambre de Zoé. Ils n'ont pas réussi à se soutenir, à se parler " Comment aider l'être aimé quand on tente soi-même de survivre ?... Nous n'avions pas su nous consoler l'un l'autre, pas même nous apporter un semblant de réconfort, d'apaisement, de répit. Au contraire, la puissance de notre chagrin, sa violence, sa vastitude nous éloignèrent. Nos douleurs ne pouvaient se joindre." 

Izia a gardé la chambre de Zoé intacte, chaque objet est resté à sa place, elle fait tout pour préserver les odeurs de la pièce et refuse catégoriquement de déménager " sa chambre était tout ce qui me restait d'elle, là qu'elle était le plus près de moi, c'était un concentré de sa courte existence." Cette chambre est son refuge" son havre de paix ou de douleur".

Au fil des jours, le besoin de marcher, de sentir le soleil sur sa peau reviennent, elle comprend qu'elle doit reprendre une activité mais, elle qui est illustratrice, est incapable de dessiner depuis la disparition de sa fille. Elle choisit de proposer ses services à des gens souhaitant débarrasser le domicile d'un proche disparu ou d'un proche qui doit quitter sa maison pour un logement plus petit, elle crée sa société de déménagement et embauche Samuel pour l'aider. Elle ne parle à personne du deuil qu'elle vit elle-même. Se démener du matin au soir, être surmenée, va lui permettre de mettre à distance son désespoir puis peu à peu de revenir à la vie.

Cécile Pivot se livre à une analyse fine de la souffrance du couple, des raisons de leur éloignement, j'ai particulièrement aimé les courts passages où Etienne exprime sa douleur, son amour pour sa femme, son désir que leur séparation prenne fin. J'ai également aimé plusieurs personnages secondaires, le voisin à la présence discrète et attentive qui glisse des mots si délicats sous la porte d'Izia. Hélène, Juliette et Anne, la mère et les deux tantes d'Izia, sont également trois sœurs émouvantes dans leur relation avec Zoé. Quant à Samuel, il apporte, malgré ses propres blessures, une bouffée de fraîcheur avec sa jeunesse, son obsession des odeurs, son franc-parler et sa franchise. 

Son travail de déménageuse un peu spéciale est l'occasion pour Izia de rencontrer des familles qui ont toutes une histoire particulière, qui ont toutes des motivations différentes pour faire appel à elle, qui ont toutes des rapports différents aux objets, aux souvenirs. J'ai aimé la façon qu'a Izia de respecter chaque famille, sa délicatesse lorsqu'elle leur propose de filmer le lieu avant de le vider pour garder une trace du disparu, un souvenir de son univers au quotidien.

Un roman sur le deuil très émouvant, sans pathos et sans aucune morbidité, qui se termine de façon prévisible mais très réussie. Une façon très originale de parler du deuil.


Citations

" Nos douleurs respectives étaient deux terres brulées, rongées par les flammes, éloignées l'une de l'autre. Si elles se rapprochaient, elle allumeraient de nouveaux brasiers destructeurs."

" Izia qui me croyait fort, indestructible, parce que j'ai la philosophie dans ma vie. "Philosopher, c'est apprendre à mourir" a écrit Montaigne. Alors je n'avais rien appris. J'étais fâché avec la vie, fâché avec la mort."


L'auteure 



Femme de lettres, journaliste, Cécile Pivot publie son troisième roman. Elle a reçu pour "Battements de cœur" le prix de littérature du Lions Clubs Ile de France et pour "Les lettres d'Esther" le prix du Roman qui fait du bien, le prix du Grand Saint-Milionnais et le prix littéraire de l'Union interalliée. (Source : éditeur)





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