Date de parution : 18 aout 2022 au Seuil
Nombre de pages : 289
Liwa Ekimakingaï a passé son enfance auprès de sa grand-mère, Mâ Lembé, et continue à habiter chez elle car sa mère, Albertine, est morte en lui donnant la vie. Commis de cuisine à l'hôtel Victory Palace de Pointe-Noire, capitale économique de la République du Congo, il attend de rencontrer l'amour. Un soir de 15 août où l'on fête l'indépendance du pays, il réunit ses plus beaux atours assez extravagants, tout juste achetés l'après-midi, pour aller en boîte. Il va perdre la vie ce soir-là.
A peine enseveli, Liwa qui n'accepte pas les conditions de sa mort ressort de sa tombe. Veut-il se venger ?
Dans une première partie "Le rêve le plus long de ta mort", Liwa remonte dans la vie et assiste à sa propre veillée funèbre de quatre jours et à son enterrement. Ensuite l'auteur raconte les rencontres que fait Liwa à peine arrivé à Frère-Lachaise, le cimetière des pauvres, pour conclure dans une dernière partie sur les circonstances de la mort du jeune homme qui voit défiler ses dernières heure de vie.
Au fil des pages, Alain Mabanckou nous fait découvrir les rites funéraires, l'accompagnement du défunt dans la danse et la joie avec la participation active de chanteuses-danseuses-pleureuses qui rivalisent d'ardeur dans leurs chants et leurs pleurs. Puis il nous régale avec les histoires savoureuses de certains des voisins de tombe de Liwa, notamment l'ancien DRH, chef de secteur, chargé d'accueillir les nouveaux et de les dissuader de commettre l'irréparable en ne pensant qu'à la vengeance. Grâce à une construction intéressante, les circonstances de la mort de Liwa ne nous seront dévoilées que dans les dernières pages du roman.
Alain Mabackou a l'art de faire vivre le monde des défunts et montre que la distinction sociale perdure par-delà la mort avec le Cimetière des Riches et Frère-Lachaise, Cimetière des Pauvres, et va jusqu'à mettre en scène un soulèvement des défunts qui s'opposent à ce qu'un criminel proche du président soit enterré parmi eux.
Il dépeint un pays où la corruption est pratique courante, un pays où chacun a tendance à vouloir résoudre ses problèmes en jetant des sorts, où les humains signent des pactes avec les esprits, où traditions, sorcellerie, présages, immolations d'animaux et même sacrifices humains, guérisseurs et féticheurs, "sorcières de maison" protectrices des riches, font partie du quotidien. Dans ce compagnonnage de chacun avec les esprits et les forces occultes, certains défunts ont même le pouvoir de se dissimuler derrière des enveloppes humaines prenant à leur gré les traits de n'importe quel individu pour ensuite se mêler aux vivants.
Il n'y a rien de macabre dans ce texte, au contraire, la mort est évoquée comme une seconde vie et la cohabitation entre défunts et vivants se passe en général bien. Avec son talent narratif et sa verve habituels Alain Mabanckou a réussi à me passionner avec cette histoire tellement différente de mes lectures habituelles que je suis certaine de m'en souvenir longtemps.
Citations
" L'être le plus intelligent est celui qui reconnaît l'intelligence de l'autre."
L'auteur
Alain Mabanckou est écrivain et enseignant. Il fait paraître son premier roman en 1998, "Bleu-Blanc-Rouge" qui lui vaut le Grand prix littéraire d'Afrique noire. Son roman, "Mémoires d'un porc-épic" (Seuil, 2006) lui vaut en 2006 l'obtention du prix Renaudot. En 2016, il intègre le collège de France. Il vit à Santa Monica, en Californie.
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