vendredi 20 août 2021

Revenir fils de Christophe Perruchas


Date de parution : 18 aout 2021 aux éditions du Rouergue
Nombre de pages : 288

" Sa maison est une grotte qui la protège mais qui l'ensevelit, un labyrinthe qui la perd mais qui la structure "

1987 - Le narrateur perd son père brutalement alors qu'il n'a que quatorze ans. Ensuite il vit seul avec sa mère qui montre les signes grandissants d'un syndrome de Diogène : elle accumule de façon pathologique des objets qui envahissent peu à peu la maison. Elle passe sa journée à "ranger, classer, ordonner", jusqu'au jour où la digue cède, la disparition du père, l'Homme, fait remonter chez cette femme des douleurs anciennes, elle se se replie de plus en plus dans un monde où un premier enfant, Jean, touché par la mort subite du nourrisson, reprend vie. 

Le récit est composé de deux parties égales, séparées par vingt ans, dans chacune d'elles l'auteur fait alterner la voix de la mère qui s'exprime à travers un étrange "on" et celle du fils qui s'exprime à la première personne, le passage de la voix de l'un à celle de l'autre est parfois saisissant. C'est ainsi que l'auteur nous fait découvrir une mère qui peu à peu a fait disparaître son fils de son esprit jusqu'à l'oublier totalement, une mère inaccessible qui l'a "orpheliné de son vivant ... On efface les enfants qu'on a eus, quand on sanctuarise les autres."

Ce roman m'a passionnée du début à la fin, il comporte des passages très forts, dans la première partie lorsque la vie du narrateur, en pleine adolescence, bascule au point qu'il doive être recueilli par son oncle et sa tante auprès desquels il vivra quelques années dont il ne nous dira que très peu de choses distillées au fil du récit. Ensuite lorsque, devenu lui-même jeune papa, il tente de s'approcher de cette mère qui l'a effacé depuis si longtemps, l'auteur nous offre de magnifiques passages où il parvient à distiller une jolie dose de poésie pour décrire avec détail le glauque dans lequel vit sa mère, "La mère, ma mère".

La maison de la mère devient dans la deuxième partie du roman un personnage à part entière du roman, véritable cloaque où il circule au milieu de journaux et d'objets accumulés, mémoire des vingt dernières années. "Inépuisable fourmi, grande bâtisseuse de l'ordure, toujours en quête de matière... Elle construit des pyramides dans son désert, élève des palais et des monuments, dresse des autels et des temples. L'espace d'un moment, je suis fière d'elle, petite mère courage... La mère comme une antilope de sa savane"

La deuxième partie est constituée en grande partie d'un tête à tête de quelques jours entre mère et fils dans la maison qu'elle n'a jamais quittée. L'épouse, les enfants et la belle-famille du narrateur sont à peine esquissés, ils sont juste en périphérie du trio mère-fils-maison.

La colère que ressentait l'adolescent qui fuyait sa mère en se réfugiant dans la caravane dans le jardin a laissé place à un infini amour pour cette mère pas comme les autres " La mère je ne lui en veux pas, elle est malade, on ne peut pas en vouloir à la maladie. Plus jeune, si." qu'il accepte telle qu'elle est et qu'il cherche à protéger. "Je vais m'en occuper, c'est ma mission, ça va aller maman, je suis là."

Avec ce roman, j'ai découvert effarée ce qu'était le syndrome de Diogène, une maladie dégénérative qui provoque une sorte de folie associant une négligence extrême de l'hygiène corporelle et domestique à une syllogomanie (accumulation d'objets hétéroclites) qui conduisent à des conditions de vie complètement insalubres.

L'histoire, la construction et la progression, la psychologie et les voix des personnages, l'écriture, le ton où percent parfois humour et ironie... tout m'a plu dans ce roman plein d'humanité et de sensibilité, il est source de multiples émotions.  A noter le titre et la couverture magnifiquement adaptés.


Citations

" J'ai l'impression d'être prisonnier de mon sang."

" La maison des parents, c'est comme un corps qui expulse, ça se referme et ça se modifie pour qu'on ne puisse plus y revenir. Les parents, ça efface la trace des enfants, ça neige dessus. Un jour, on revient et exit, disparue la chambre de nous, môme."

" Il ne s'agit pas d'approvisionner un fauve, c'est bien plus difficile. Y revenir."
 
" Pour commencer ma carrière de fils, moi aussi je voulais lui apporter de fleurs, un bouquet plein de couleurs, comme un soleil qu'on aurait mis dans la nuit de sa maison. Et puis je me suis ravisé, les fleurs, j'ai eu peur qu'elle les mange."

" Un petit bordel vertical régi par les seules lois d'une gravité définitive : ce qui tombe est à sa place et sert de socle à ce qui vient après."

L'auteur


Christophe Perruchas est né en 1972 à Nantes. Directeur de création, il a travaillé dans quelques grandes agences de publicité parisiennes. Il a également ouvert des épiceries et un restaurant avec trois amis. Il est aussi papa et allergique au pollen de platane. Sept gingembres est son premier roman. (Source : éditeur)

 

 

 

Lu de cet auteur


 

 pour accéder à ma chronique, cliquer ici

 



 


2 commentaires:

  1. Je n'avais pas aimé sept gingembres(personnage vraiment trop antipathique plus que malade) et celui ci…. il a bien fallu tes 5 cœurs pour que j'insiste ! j'ai dû attendre la page 100 env. pour adhérer à l'écriture . j'en suis là !

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Tu me surprends beaucoup, je comprends que tu n'aies pas aimé son premier mais je pensais bien que celui-là te plairait, attendons que tu l'aies terminé...

      Supprimer