Date de parution : aout 2021 à la Fosse aux Ours
Nombre de pages : 128
PREMIER ROMAN
" La famille est une association temporaire et fortuite que dissout promptement la mort." - Balzac
Marie, la soixantaine, " le corps lourd d'usure et de sagesse", rattrapée par la maladie depuis un an est mourante. Elle a demandé à son fils, " avec lui, elle est devenue mère, dans la joie et la douleur, dans l'intimité et l'incompréhension " de la porter dans la montagne pour la déposer sous le Grand Rocher pour qu'elle s'y éteigne " j'irai sur son dos, en silence. Une dernière fois, au sommet"
Il lui a promis, elle lui fait confiance... Le moment venu, elle prend une natte, une couverture de laine et un bol en grès... Commence alors la marche à dos de fils, dans une chaise qu'il lui a fabriquée. Une marche dans le silence pendant laquelle ils vont se parler en silence. Marie a traversé beaucoup de drames dans sa vie, son frère jumeau mort in utéro, la mort en montagne de son mari alpiniste alors que son fils n'avait que quinze ans... sans parler de son enfance sans amour... C'est une femme dont son mari disait à ses enfants désarçonnés par sa personnalité insaisissable "Maman est un ange, descendue sur terre juste pour nous aimer."
"Mon fils, entends-tu les mémoires traverser ma voix silencieuse ? Les souvenirs s'épluchent sur le chemin, en couches, dans ton dos robuste. J'aimerais qu'ils te fassent un chaud manteau quand nous serons dans la montagne. Je ne suis pas bonne couturière, ce sera un manteau en morceaux. Des lambeaux qui, ajustés les uns aux autres, forment une histoire. Demain soir, il faudra nous dire adieu."
Le fils se souvient quand sa mère a trébuché après la mort du père, il leur a alors fallu, à lui et à ses deux sœurs, vivre sans la chaleur de sa voix, il leur a fallu vivre seuls, eux, les enfants... puis la maladie de la mère est arrivée.
" Ils ne forment plus qu'un seul et même corps, informe, dont on ne saurait reconnaître les bras des jambes. Une seule et même douleur en mouvements presque imperceptibles. Ni l'un ni l'autre ne savent encore s'ils auront la force de s'arracher, de se dénouer. Le fils avance très lentement, il lui semble que sa mère s'est endormie dans son dos."
Ce roman reprend la tradition ancestrale du Japon, l'Ubasute, qui voulait qu'on abandonne en montagne une personne âgée et malade.
J'ai été frappée dès les premières pages par la force et la beauté de la langue. Ce roman fourmille de magnifiques expressions et formules. Les pages à la fin du texte, à leur arrivée près du rocher, sont de toute beauté, on y découvre les pensées du fils " nous ne rêvions pas d'une autre enfance, tu étais notre horizon aimant, flamboyant et instable."
Ce roman sur un sujet on ne peut plus grave est lumineux, l'amour est omniprésent et le personnage de Marie est rayonnant.
L'auteure
Isabel Gutierrez enseigne la littérature et le cinéma à Grenoble. Ubasute est son premier roman. ( Source : éditeur )
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