Date de parution : janvier 2021 chez Gallimard
Nombre de pages : 304
"Je ne suis pas un monstre. Je
suis une mère"
Océan Vuong est un poète américain né à Hô Chi Minh-Ville en 1988. Il a été transféré avec sa famille dans un camp de réfugiés aux Philippines en 1990 avant de pouvoir gagner les États-Unis, où il a grandi dans le Connecticut. Ce roman est la lettre qu'il adresse à Rose, sa mère analphabète qui ne pourra donc jamais la lire. Rose est la fille d’un soldat américain et d'une paysanne vietnamienne, elle parle à peine anglais et travaille dans un salon de manucure aux États-Unis.
Avec cette lettre, Océan Vuong, surnommé "Little Dog", remonte son histoire familiale, il revient sur son enfance auprès d'une grand-mère dont la schizophrénie a été aggravée par la guerre et d'une mère aimante mais violente, toutes deux traumatisées par la guerre, hantées par le napalm. Sa mère est "le pur produit de la guerre du Vietnam", il la perçoit parfois comme un monstre mais "être un monstre, c'est être un signal hybride, un phare : à la fois refuge et avertissement... Peut-être que lever la main sur son enfant, c'est le préparer à la guerre..."
Au-delà de l'histoire de sa famille, il parle également de la découverte de son corps, de son homosexualité et de son premier amour.
Un beau récit autobiographique sous forme d'une lettre-confession poignante qui commence par ces mots "Chère Maman, j'écris pour me rapprocher de toi", une lettre dans laquelle l'auteur se livre à une introspection qui révèle sa sensibilité à fleur de peau.
La narration n'est pas linéaire, le langage est parfois cru, les souvenirs sont souvent effroyables, des scènes choc restent en tête une fois le livre terminé, comme la scène de sa grand-mère, jeune femme tenant sa fille dans les bras, face aux soldats américains en 1968. On perçoit la marque indélébile que cette guerre qu'il n'a pas vécue (il est né en 1988) lui a laissée, une guerre qui ne cesse de le miner comme elle hante les générations de survivants exilés aux États-Unis " Une guerre, une fois que ça pénètre en vous, ça ne vous quitte jamais."
Il nous parle de déracinement, de racisme, d'incommunicabilité, de violence et des ravages de la drogue dans une Amérique très sombre. Les questions de race, de classe et de
masculinité traversent tout le roman.
Une lettre d'amour déchirante, un texte très puissant servi par une langue d'une grande beauté. Le mode narratif m'a parfois perdue dans l'histoire, mais j'ai accepté de me laisser porter par l'écriture de toute beauté.
Citations
" J'ai lu que les parents qui souffrent de stress post-traumatique sont plus susceptibles de frapper leurs enfants. Peut-être y a-t-il une origine monstrueuse à cela."
" Un survivant, c'est peut-être le dernier qui rentre chez lui, l'ultime monarque qui se pose sur une branche déjà lourde de fantômes."
" Maman, s'exprimer dans notre langue maternelle, c'est parler seulement partiellement en vietnamien, mais entièrement en guerre."
" Parfois, la tendresse qu'on vous offre semble la preuve même qu'on vous a abîmé."
" Un soldat américain a baisé une jeune fermière vietnamienne. D'où le fait que ma mère existe. D'où le fait que j’existe. D'où le fait que : pas de bombes = pas de famille = pas de moi. Merde."
Ocean Vuong est né en 1988 à Saigon, au Vietnam, et vit depuis ses deux ans aux États-Unis. Il a reçu plusieurs récompenses prestigieuses pour ses textes poétiques, et notamment le prix T.S. Eliot en 2017. Un bref instant de splendeur, son premier roman, a été nommé Meilleur Livre de l'année par les revues américaines les plus emblématiques et a reçu un accueil critique exceptionnel aux États-Unis et en Europe.
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