Date de parution : aout 2023 chez Albin Michel
Nombre de pages : 384
Un matin, un garçon d’étage de l’hôtel Lutetia, découvre un couple d’octogénaires, main dans la main, endormis pour l’éternité.
Ce geste ultime et romantique, cette liberté qu’ils n’ont pas hésité à s’offrir a certes du panache, mais Ezra et Maud, âgés respectivement de 88 et 86 ans, ont-ils pensé à leur fille Eléonore qu’ils laissent en proie à l’incompréhension et au chagrin ? Ont-ils seulement pensé à elle en planifiant leur mort spectaculaire, leur funérailles extravagantes, le legs compliqué de leur maison des Bulles à Ramatuelle ?
Ultime coup d’éclat d’un couple de publicitaires, vendeurs de rêves, incarnations vibrantes des dernières décennies euphoriques du XXe siècle ou témoignage d’amour maladroit, absurde, tapageur mais d’amour malgré tout ?
Dans ce roman Emilie Frèche s'est inspirée du suicide d'un couple d'octogénaires en 2013. Elle centre son roman sur le point de vue d'Eléonore, la fille unique de ce couple. Ezra et Maud se sont donné la mort en tenue de soirée dans une chambre d'un palace parisien hautement symbolique, chargé d'histoire, ils ont été découverts main dans la main la tête dans un sac plastique. Le couple a soigneusement pensé sa mort, comme un ultime coup de pub.
C'est un couple qui évoluait dans le monde ultra privilégié des publicitaires en vogue, un couple qui avait fait fortune dans la publicité à la manière d'un certain Jacques Séguéla, un couple à deux têtes vivant dans une bulle hermétique à leur propre fille, un couple dont leur fille s'est toujours sentie plus ou moins étrangère car elle n'a jamais vraiment eu de place dans leur histoire. Ezra et Maud n'existaient pas en tant qu'individus, ils n'avaient aucune vie propre, ils partageaient tout "Enfermés dans une cage verrouillée à triple tour, mes parents n'avaient pas d'autre choix que de s'entre-dévorer."
Emilie Frèche nous détaille les réactions d'Eléonore, sa sidération, son incapacité à ressentir de la tristesse, à verser une larme, son sentiment d'abandon et de dépossession car ses parents ont tout planifié dans les moindres détails, de leur mort à la cérémonie d'adieu jusqu'à leur succession la dépossédant ainsi de la moindre possibilité d'organiser quoi que ce soit. Alors que son fils Simon considère le pacte suicidaire de ses grands-parents comme un acte politique et s'engage dans une démarche militante sur la fin de vie, Eléonore chemine progressivement vers la compréhension de ce geste pour finir par enfin l'accepter et pardonner à ses parents cet acte qu'elle avait jugé a priori très égoïste.
Un texte qui interroge la vieillesse, la question du mourir dans la dignité et du suicide assisté. Un dernier chapitre très fort et très beau
Citations
" Qu'est-ce que l'amour, sinon trouver du plaisir au bonheur d'autrui ?"
" Deux êtres se suicident en se racontant qu'ils commettent un acte qui n'engage qu'eux, mais en réalité, c'est votre santé mentale qui fout le camp, votre vie entière qui bascule."
« Qu’il vous reste de nous notre amour infini de la vie, de sa beauté et de sa légèreté, et que du fin fond de notre sommeil éternel, vous nous entendiez rire encore. Rire, chanter, danser et célébrer la vie. Nous l’avons tant aimée. »
L'auteure
photo © Pascal Ito
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