Date de parution : 24 aout 2022 chez J.C. Lattès
Nombre de pages : 197
"En ce temps-là on était des loups et les loups étaient des hommes, ça ne faisait pas de différence on était le monde"
Liam, 37 ans, vit depuis l'âge de vingt ans au milieu de nulle part dans la montagne, il chasse et vend ses peaux. Il aime cette liberté et vit avec Ava et Aru leur fils de cinq ans, un enfant qu'il ne voulait pas et qu'il n'a aimé que de loin.
En rentrant un soir d'une journée de chasse Liam retrouve Ava tuée par un ours. Sous le corps inerte de sa femme il découvre son enfant, vivant. Son existence s'effondre, Liam sait que ce monde sauvage n'est pas fait pour un enfant. Il décide de le confier à un oncle et une tante et part pour un long voyage avec son fils, chacun sur son cheval." Toute cette vie devant nous c'est trop grand"
Comme toujours Sandrine Collette restitue à merveille l'atmosphère, la nature grandiose qui peut se montrer hostile dans un lieu qu'elle n'identifie pas " c'est pour ça que je vis ici, pour toucher du doigt, du bord du cœur, le territoire sauvage qui survit en moi et à ces moments-là quand les loups hurlent dans la montagne je sais que je ne suis pas seul." Certains passages sont empreints d'une belle poésie, notamment lorsque le chant des humains répond au chant des loups.
Mais c'est surtout dans la psychologie des personnages qu'elle excelle. Elle nous plonge dans les pensées de cet homme plein de douleur et de colère qui passe par de multiples sentiments. Liam en vient à espérer que le petit se perde, il songe à se débarrasser d"Aru envers qui il retourne la rage qui le ronge intérieurement " Je suis en colère contre la terre la vie le monde, et le monde je jure je lui ferai la peau. La peau du monde je la tendrai sur un cadre, je la raclerai jusqu'à la dernière miette de sa chair et je l'exposerai devant chez moi pour que l'on sache ce qui se passe quand on me fait du mal. "
Aru, petit garçon taiseux, est très émouvant quand il s'accroche, par son regard, à son père cherchant un peu de tendresse, espérant ouvrir une brèche. Liam est touchant dans son désarroi à établir une relation avec son fils " Ava était le lien qui nous manque... Le souci c'est que je n'ai pas les mots. Je ne suis pas capable de parler à un enfant j'ignore comment on fait." Liam n'a lui même pas eu d'enfance, il ne sait pas ce qu'est un enfant.
Sandrine Collette scrute tout avec subtilité, les regards, les gestes, l'évolution du père dont la carapace va parfois se fendiller, le moment où il pense à Aru en le nommant "mon môme" est particulièrement beau. Liam va finir par voir différemment la nature autour de lui et par ressentir une légèreté qu'il n'a jamais éprouvée.
Un roman magnifique sur la naissance de l'instinct paternel, "Tout doucement j'inscris Aru dans mon existence", et une renaissance "C'est le môme qui a fait de moi un homme je veux dire avec de l'humanité et pas seulement une machine vivante.", le tout baigne dans une tension dramatique constante, un roman lu d'une traite souvent le ventre noué.
Citations
"La peau du monde ce sera mon trophée, je la brandirai comme on brandit un crâne, je l'assècherai comme on sèche un cœur ce sera un lambeau une squame une toile et sur cette toile je réécrirai quelque chose avec le sang de mes veines avec le sang de ma haine, la peau du monde ce sera mon vêtement. Je lui marcherai dessus je la piétinerai jusqu'à ce qu'elle rende son dernier souffle, je lui dirai qu'il ne fallait pas me prendre ce que j'aime."
L'auteure
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