Dessous les roses d'Olivier Adam

 

Date de parution : 24 aout 2022 chez Flammarion
Nombre de pages : 208

" J'écris de la fiction, on me dit que c'est de l'autobiographie, j'écris de l'autobiographie, on me dit que c'est de la fiction, aussi puisque je suis tellement crétin et qu'ils sont tellement intelligents, qu'ils décident donc "eux" ce que c'est ou n'est pas." Philip Roth - Tromperie 

Antoine et Claire attendent leur frère Paul dans la maison de leurs parents. Demain c'est l'enterrement de leur père. Paul est un réalisateur qui puise dans le matériau familial pour alimenter ses films, son frère et sa sœur lui reprochent d'avoir " laminé sa famille de film en film, de pièce en pièce, même s'il s'en défendait." Cette famille s'est fissurée à cause de Paul qui a rompu tout contact avec leur père. Depuis cette rupture, ils ne se sont plus jamais réunis ensemble. 

Dans ses films Paul réécrit l'histoire de leur famille, met en scène son propre personnage dans des pièces où ses proches sont de simples figurants, il traîne leur père dans la boue et fait passer Antoine pour le méchant de l'histoire, il décrit la banlieue populaire d'où il est issu comme une banlieue sordide dont il a réussi à s'extraire. Tous les membres de la famille sont blessés par ses films, ses pièces de théâtre et par les interviews qu'il donne sur son enfance difficile. Lui se défend en parlant de fiction. 

"Dessous les roses" est un roman choral construit comme une pièce de théâtre, sur 2 jours (la veille et le jour de l'enterrement), en 2 actes avec 4 scènes pour chaque acte. Antoine et Claire s'expriment alternativement dans ces scènes, dans le 3ème et dernier acte Paul prend la parole pour dire sa vérité. 

Ce qui frappe d'emblée c'est la richesse et la qualité des dialogues qui rendent le texte très vivant. Olivier Adam se livre à une analyse très fine d'une famille creusant les caractères et sentiments de chacun de ses membres. Il décrit une fratrie où, comme dans toutes les fratries, chacun a sa propre place, son caractère, un rôle qu'on lui attribue ou qu'il s'attribue, des frères et sœur qui n'ont pas connu les mêmes parents car ceux-ci ont évolué au fil des années en particulier le père qui a été plus exigeant, plus dur avec ses deux aînés, surtout avec Paul dont il n'a pas accepté l'homosexualité. Le plus jeune, Antoine, qui a ressenti une sensation d'abandon au départ de ses aînés, est particulièrement en colère contre Paul à qui il reproche de salir leur famille dans ses films et pièces de théâtre. Claire, l'aînée de la fratrie, devenue infirmière, reste celle qui prend soin de tous. Pendant deux jours, frères et sœur vont se déchirer devant leur mère impuissante.

Les relations entre frères et sœurs devenus adultes ne sont pas toujours simples mais que peut-il en être quand l'un d'eux, distant, torturé et égocentrique, joue le trublion en réglant ses comptes avec son père à travers ses films, pièces de théâtre et interviews ? Mais où est la vérité ? 

Le texte est centré sur la fratrie en huis-clos mais des  personnages gravitent autour d'eux, mari et enfants de Claire, compagne d'Antoine, ils sont juste esquissés et sont prétexte à explorer différentes formes de paternité, sans oublier la mère qui somnole ou qui fait semblant de somnoler pendant que ses enfants soldent leurs comptes.

Réflexion sur la famille avec ses rancœurs, ses jalousies et ses non-dits mais aussi réflexion sur la création, ce roman prend la forme d'un huis-clos familial très bien mené. Olivier Adam aborde également, avec des piques bien acérées, la question du transfuge de classe avec Paul qui prolétarise son milieu d'origine pour mettre en valeur son ascension et son mérite.

Ce roman âpre et tranchant m'a embarquée dès les premières pages pour ne plus me lâcher. Une mise en abyme très réussie, du grand Olivier Adam.

Carobookine s'est également régalée.

Citations :

" En définitive, ce n'est peut-être pas ce qu'il m'a dit. Mais c'est ce que j'ai entendu."

" Quand on est écrivain, on n'a plus de famille."

" C'est comme ça dans toutes les familles. Les rôles sont distribués une fois pour toutes. L'aînée responsable et bienveillante. Le cadet instable, avec son tempérament d'artiste. Et puis moi, le benjamin dynamique, concret, efficace. Performant. Pragmatique."

" De quel droit mon frère témoignait-il de ce qui était, même si nous en faisions partie, sa propre vie ? De quel droit la tordait-il à sa guise ? De quel droit mêlait-il la perception qu'il en avait à des choses qu'il inventait ? Il me semblait qu'on pouvait inverser la question. De quel droit le lui interdirait-on ? " 

L'auteur

Olivier Adam est né en 1974. Il est l'auteur de nombreux romans parmi lesquels "Je vais bien, ne t'en fais pas", "Falaises", "Des vents contraires" (prix RTL/Lire 2009), "A l'abri de rien"  (prix France Télévisions 2007)

photo : Pascal Ito © Flammarion 

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