Date de parution : 31 aout 2023 chez Mercure de France
Nombre de pages : 160
Ce récit s'ouvre sur un vol d'étourneaux qui fait écho à toutes les migrations, en particulier celle des aïeux de l'auteure, partis en 1872 d'un village d'Inde pour rejoindre Port-Louis à l'île Maurice qui était alors une colonie britannique. Un couple et leur enfant de onze ans, des engagés indiens, des coolies venus pour travailler dans les champs de canne à sucre pour pallier le manque de main d'œuvre après la libération des esclaves noirs. Déshumanisés dès leur arrivée par l'attribution d'un numéro, ils travaillent dans les plantations, logés dans un camp avec leurs congénères. Aux archives de l'immigration indienne de l'île Maurice, Nathacha Appanah a retrouvé avec beaucoup d'émotion les numéros portés par ses aïeux.
Sur les traces de ses ancêtres paternels, Appanah raconte, loin de tout exotisme et de tout pittoresque, l'histoire des engagés indiens à la fin du 19ème siècle et l'histoire de sa propre famille. Elle qui, selon ses propres termes, s'était faite une image "presque proprette" de la migration en famille de ses ancêtres, essaye ici de se rapprocher au plus près de ce qu'ils ont réellement vécu. Elle avait déjà abordé l'histoire des engagés indiens dans son premier roman "Les Rochers de Poudre d'Or" mais d'une manière complètement romancée.
Elle sait que l'histoire de ses aïeux s'est diluée au fil du temps, elle sait que la mémoire "se délave" de génération en génération, "une mémoire délavée". Elle décrit la vie des coolies dans les plantations coloniales et souligne la volonté "de ces dominés, dans leurs corps et dans leurs esprits", de maintenir leur culture, leurs traditions, leurs coutumes ancestrales par la langue, la cuisine, les vêtements, la musique, la pratique religieuse, elle écrit joliment qu'ils ont cherché à "garder le goût de leur pays" en fabriquant eux-mêmes leur mélange d'épices.
Dans ce récit sur la mémoire elle s'interroge sur la transmission de peurs, de tabous, de croyances de génération en génération comme la peur de l'eau. Par petites touches infiniment sensibles, elle raconte ses grands-parents et ce qu'ils lui ont transmis. Elle positionne son grand-père en personnage central et lui rend un hommage touchant. Elle se souvient de son enfance "dans un monde comme un fil tendu entre ses grands-parents, descendants de coolies, mariés avant la puberté, laboureurs, analphabètes" et ses parents instruits, ambitieux de réussite intellectuelle et d'ascension sociale. Une enfance en équilibre entre le monde ancien de ses grands-parents et le monde progressiste de ses parents.
Ce texte m'a fait découvrir l'engagisme, système qui a pris le relais de l'esclavagisme dans les colonies européennes, c'est une page d'histoire que j'ignorais.
Quelle joie de retrouver l'écriture tout en délicatesse, sobriété et douceur de Nathacha Appanah dans ce récit intime, empreint d'amour et d'une douce nostalgie, récit agrémenté d'émouvantes photographies.
Citations
" A quoi ressemble le destin de ceux qui migrent, est-ce que ça explose bruyamment ou ça implose intimement ?"
" Je ne veux pas simplement raconter mes grands-parents, je veux dépasser le récit, je veux de la simplicité à l'endroit.
L'auteure
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